Le juriste de demain

Les nouvelles technologies pénètrent de plus en plus le quotidien des juristes, transformant méthodes de travail et débouchés professionnels.

Outils de justice prédictive, smart-contracts, blockchains… Les nouvelles technologies pénètrent de plus en plus le quotidien des juristes, transformant méthodes de travail et débouchés professionnels. Trois exemples illustrent ce constat.

Tout d’abord, les outils de justice prédictive, instruments d’analyse de la jurisprudence, permettent de dégager les tendances de celle-ci, d’estimer le montant des dommages-intérêts ou d’une pension, de calculer le risque de condamnation par exemple pour licenciement abusif ou encore d’établir des statistiques sur la force des arguments proposés dans des litiges similaires. Simplifiant le travail préparatoire des procès, ces outils permettent un gain de temps indéniable. En outre, ils ont un effet préventif sur les contentieux, les statistiques établis pouvant décourager certaines velléités de procès. Toutefois, la fiabilité des résultats suppose une base de données de qualité, favorisée aujourd’hui par l’open data des décisions de justice, mais aussi, de la part des juristes, à la fois une bonne maitrise de ces outils (choix des bons mots-clés par exemple) et une capacité d’interprétation et d’analyse des résultats.

Ensuite, le développement des smart-contracts et des blockchains modifie la temporalité d’intervention du juriste - avocat, juriste d’entreprise ou notaire. En effet, il n’intervient plus au moment de la formation et de l’exécution de chaque contrat mais « une fois pour toutes » en amont lors de la programmation du contrat. Il est dès lors impératif que le juriste comprenne le langage digital et les mécanismes de programmation afin de collaborer avec les informaticiens en charge de la « traduction » des termes juridiques en écriture informatique. En outre, le juriste, délesté des contrats « classiques », pourra se concentrer sur les contrats ou clauses spécifiques, innovants, et faire preuve de création.

Enfin, l’explosion des flux quotidiens de données, en particulier personnelles, via notamment internet, a conduit à la création par le RGPD du métier de Délégué à la protection des données (DPO). Celui-ci est un pivot entre services juridiques, services informatiques, collaborateurs et dirigeants des organisations. En effet, il doit informer la direction, sensibiliser les collaborateurs, mettre en place les mesures propres à assurer la protection des données en lien avec le service informatique, s’assurer que les contrats conclus par l’organisation sont « RGPD compliance » et veiller au respect des droits individuels par l’organisation. Il doit dès lors développer quatre compétences : juridique, informatique, management éthique et psychologie.

Ainsi, le juriste de demain devra à la fois maitriser parfaitement les mécanismes généraux et développer une capacité d’analyse très pointue. Il sera moins un technicien du droit qu’un logicien comprenant le langage digital, les bases de la programmation et doué d’une force de conviction.

Carine COPAIN HERITIER, enseignant-chercheur, directeur pédagogique DU Juriste digital et Licence 3ème année

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