« TOUT SE TIENT… » (Πάντα συνέστηκεν…, AH IV, 33, 7b-8). Enjeux théologiques de l’édition d’un fragment grec de l’Adversus haereses d’Irénée de Lyon

Thèse soutenue par Sylvain Detoc

Jury

Bertrand Pinçon, président, UCLy

Elie Ayroulet, directeur, UCLy

Marie-Laure Chaieb, rapporteur, UCLy

Andrés Saez Gutiérrez, rapporteur, Université San Damaso, Madrid

Guillaume Bady, juré, CNRS Sources Chrétiennes 

Enrico Cattaneo, juré, Facoltà Teologica dell'Italia Meridionale de Naples et Pontificio Istituto Orientale de Rome

Résumé

« Tout se tient » (πάντα συνέστηκεν). C’est par ce quasi-slogan que s’ouvre l’un des fragments grecs les plus denses de l’Adversus haereses (AH IV, 33, 7b-8). Issue des Sacra Parallela attribués à Jean Damascène, la citation est malheureusement corrompue, comme les versions latine et arménienne de ce passage où Irénée brosse le portrait du « vrai gnostique » en « disciple vraiment spirituel ». Tenter de restituer le grec original suppose ici une importante mise de fonds philologique. S’appuyant sur des travaux en cours (l’édition critique des Sacra, commencée en 2018), la première partie de la thèse cherche à comprendre ce fragment à partir de son double point d’ancrage, irénéen et « damascénien », et à retracer sa carrière éditoriale. Cette enquête ne débouche pas sur les ipsissima verba d’Irénée, mais sur l’édition actualisée d’un fragment tardif que la postérité a malmené. Cependant, elle éclaire latéralement plusieurs points laissés dans l’ombre par les éditeurs : la cohérence ternaire de la phrase grecque ; la perte d’environ 10 % du texte dans l’arménien (perte étrangement analogue à celle d’un manuscrit lacuneux des Sacra) ; l’invention d’un hapax pneumatologique (l’Esprit « qui met en scène, σκηνοβατοῦν, les économies du Père et du Fils ») ; la résonance paulinienne de l’expression liminaire πάντα συνέστηκεν (une probable réminiscence de Col 1, 17b, identifiée dans les « Vieilles Latines »).

Ce premier parcours fait aussi émerger des tentatives d’interprétation, et même de correction, qui ont accompagné la réception de ce passage depuis le xviie siècle. L’une de ces hypothèses, fondée sur l’expression traditionnelle de la foi trinitaire, est au principe d’une reconstruction opérée dès l’édition « prototype » du fragment (1636) et ratifiée dans les « Sources Chrétiennes » (1965). C’est la voie ouverte par cette hypothèse théologique qu’explore la seconde partie de la thèse. Celle-ci recourt aux possibilités offertes par l’intertextualité interne et externe pour mettre au jour une grammaire des mots et des images qui signale l’apparition, dans l’écriture irénéenne, d’un « corps » de doctrine en trois membres « articulés » faisant écho aux plus anciennes catéchèses baptismales. Corps embryonnaire, sans doute, mais dont l’organicité est déjà fixée dans des formules trinitaires stéréotypées, où la confession de la « foi en un seul Dieu Père tout-puissant… et en son Fils… et en son Esprit… » s’achève en considérations ecclésiologiques, comme dans le futur Credo. Si elle est exacte, cette lecture permet de résoudre la principale difficulté soulevée par la construction du passage. Elle montre comment, sur la structure porteuse de l’unique phrase grecque qui se déploiera bientôt en Symbole, Irénée s’est livré à d’audacieuses variations. Elle nous offre ainsi l’un des tout premiers témoins de la grammaire fondamentale de la foi, en même temps qu’un coup d’éclat stylistique d’un Père du iie siècle qui fait du neuf avec de l’ancien.

Mots clés

patristique, patrologie, théologie, philologie, édition critique, Pères de l’Église, Irénée de Lyon, Adversus haereses, Contre les hérésies, Démonstration de la prédication apostolique, fragment grec, Jean Damascène, Sacra Parallela, règle de foi, regula, κανών, Symbole, Trinité, πάντα συνέστηκεν, tout se tient, articles de foi, πίστις, πεισμονή, γνῶσις, σκηνοβατοῦν, Halloix, Grabe, Massuet, Stieren, Migne, Harvey, Adelin Rousseau, Doutreleau, Hemmerdinger, Thum, Declerck.

En savoir + sur :

Doctorat en théologie (Diplôme canonique)

Diplôme de 3ème cycle en théologie ouvrant vers l’enseignement supérieur et la recherche. Possibilité de co-tutelles avec des Universités d’État.