Solidarité entre entreprises : quels leviers pour s'aider en temps de crise ? 

Report de dettes, exonération de loyers, prêt de matériel, conseils entre dirigeants… Dans une société où les crises (sanitaires, géopolitiques, écologiques…) se succèdent et auxquelles les acteurs économiques sont directement ou indirectement exposés, il est essentiel de trouver des leviers tournés vers plus de solidarité entre parties prenantes. Nos experts ont échangé lors du RDV UCLy Expert sur les mécanismes de solidarité activables par les entreprises pour s’entraider en temps de crise.

De la solidarité observée : les conseils entre pairs et reports de dettes plébiscités

L’État a souhaité maintenir durant toute la crise Covid-19 le soutien aux entreprises dont l’activité a été affectée par les mesures mises en place. La solidarité a alors été « imposée » comme par exemple avec la suspension des clauses pénales sous le confinement, et également « encouragée » avec le crédit d’impôt bailleur pour l’exonération de loyers. Ce qui nous a particulièrement intéressé ici c’est la solidarité « volontaire » entre entrepreneurs, entre entreprises, entre parties prenantes pour s’épauler, trouver ensemble des solutions en réponse à la crise.

D’après une enquête menée par Louis-Daniel MUKA-TSCHIBENDE, Maitre de Conférence et Directeur Adjoint de la Faculté de Droit de l’UCLy, et chercheur à l’UR CONFLUENCE Sciences & Humanités, il a été constaté que les entreprises et leurs parties prenantes, ont pendant les crises, été solidaires par le biais de divers leviers. Ces leviers émergent à travers deux catégories :

  • La gouvernance : conseils entre pairs dirigeants, versements de dividendes en baisse…
  • Les contrats : report de dettes, prêt inter entreprise depuis 2015, exonération des loyers commerciaux ou encore prêt de main d’œuvre et/ou de matériel.

A noter que les reports de dettes ont été largement privilégiés aux remises de dettes, notamment pour des questions liées à la comptabilité et à l’incertitude quant à l’avenir.

Un élan de solidarité qui présente des risques juridiques

Il y a des règles à respecter même en matière de solidarité. L’aidant et l’aidé peuvent s’exposer à des risques, notamment lorsqu’il est question de gouvernance.

Premièrement, il faut savoir que les conseils entre pairs sont susceptibles de faire passer les aidants en situation de dirigeant de fait.
Autrement dit, les dirigeants pourraient franchir la ligne rouge de la loi et de la jurisprudence en s’immisçant dans la gestion. Il faudrait donc ne pas adopter la posture du décideur ou codécideur afin d’éviter d’être mis en cause dans l’impact de ses décisions.

Dans la même veine, il est fortement déconseillé pour un aidant, de se mettre en situation d’exercice d’un pouvoir de direction au sein de l’entreprise. Adopter cette position serait prendre le risque de s’exposer à de lourdes responsabilités civiles, pénales et fiscales ne représentant finalement que des contraintes.

Outre les risques juridiques, lorsque l’on tend la main, il faut être solide sur ses appuis pour ne pas risquer de chuter avec l’autre.

Faire évoluer les contrats pour anticiper les conséquences des crises

Dans un monde en perpétuelle évolution et d’après des pronostics pessimistes qui annoncent près de 250 000 dépôts de bilan dans les 2 ans à venir (Source : URSSAF), les entreprises doivent s’adapter en faisant évoluer leurs contrats. Il s’agit donc pour eux, d’aménager la possibilité de renégocier les contrats en prévoyant les situations d’incertitude.
Dans l’objectif de prospérer dans les années à venir, il existe plusieurs techniques contractuelles qui permettent de d’anticiper au mieux l’imprévu et de gérer les crises que l’on pourrait subir :

- La clause de renégociation simple [C. civ., art. 1104] qui a pour effet une obligation générale de renégociation du contrat sur demande de l’une des deux parties.

- La clause de renégociation/force majeure [C. civ., art. 1218] stipulant d’organiser une renégociation ou une adaptation du contrat avant de faire appel à la force majeur. Il faut donc définir les circonstances et conditions de modalité de la renégociation en amont.

- La clause de renégociation/hardship [C. civ., art. 1195], elle, se veut d’organiser la renégociation qui doit avoir lieu en cas d’imprévision. Il s’agit alors ici de prévoir l’imprévu en gardant la possibilité de discuter entre acteurs pour pérenniser les contrats et éviter la mise en difficulté ou l’aggravation de la situation de l’une des parties.

Des associations spécialisées et des banques de proximité pour trouver de l’aide en temps de crise

Chez 60 000 rebonds, on connait bien les crises. Cette association a en effet pour but d’accompagner partout en France les dirigeants qui ont perdu leur entreprise.

Recréer des solidarités entre pairs, participer à une chaine de solidarité et d’accompagnement collectif pour redonner de l’énergie à ceux qui ont perdu beaucoup est la mission de cette association. L’accompagnement se fait individuellement grâce à un coach, un parrain, qui guide l’ancien dirigeant pendant le processus de deuil de son entreprise et l’aide à retourner vers l’activité, vers un nouveau projet, à rebondir.

En 2020 ce sont 24 000 entreprises qui ont déposé le bilan, contre 40 000 en moyenne les autres années. Preuve que les aides de l’Etat, notamment via les banques, et le « quoi qu’il en coute » ont été efficaces, en tout cas à court terme. En effet, l’URSSAF pronostique 250 000 dépôts de bilan sur les deux prochaines années…

Si l’incertitude fait partie de notre avenir, il faut faire preuve de résilience pour affronter les défis à venir. Efforçons-nous de rester optimistes, audacieux et surtout solidaires.

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