Sommaire du n° 182 - Juin 2021
De l’énonciation à l’autre de la Parole– Philippe Monot
Le premier article développe une réflexion en réponse à cette question posée par son auteur : « Quelles sont les conditions pour que la vie dont les textes parlent soit effectivement suscitée en nous à leur lecture ? » Philippe Monot ne propose pas un article de lecture sémiotique, ni n’élabore d’hypothèses théoriques : « Cette recherche n’est donc pas, à proprement parlé, sémiotique. Elle tente d’articuler d’une part une pratique de lecture qui s’appuie sur la sémiotique, et d’autre part, les dispositifs découverts dans les textes bibliques eux-mêmes. » Il construit plutôt une réflexion à partir de son expérience de lecteur : l’écho d’un lecteur que la Parole de Dieu a traversé et qui rend compte de cet effet produit. Il se trouve qu’il est sémioticien, qu’il lit en sémiotique, et qu’il s’efforce de faire des liens entre la façon spéciale dont la lecture l’a touché et la pratique dont il se réclame pour lire. Il s’agit donc pour partie d’un témoignage, au sens de rendre compte de la foi qui est en lui, qui anime son désir de lire : foi en la Parole. Avec cette conviction, transversale à tout l’article, que « Les textes bibliques mettent systématiquement en scène ce qu’il en est de la vie donnée et reçue. » Il n’en fallait pas davantage pour Sémiotique & Bible lui accorde toute sa place.
Le testament spirituel de Jésus (Jn 13-17) – Jean Delorme et Jean-Yves Thériault
Dans le second article, nous retrouvons avec plaisir Jean-Yves Thériault qui prolonge la lecture de Jn 13-17 déjà bien entamée dans les numéros précédents. Est abordé cette fois-ci le magnifique chapitre 15 – mais tous les chapitres de Jn sont magnifiques – qui, rappelle l’auteur pour nous remettre dans le bain, se déroule sur le fond de l’étroite communion entre Jésus et le Père : « Il était annoncé que cette relation intime se prolongerait chez les auditeurs (« vous ») : « En ce jour-là, vous connaîtrez, vous, que moi (je suis) en mon Père et vous en moi et moi en vous. » (14,20) La présence mutuelle s’étend jusqu’aux auditeurs : ils sont inclus dans cette intériorisation réciproque dont la relation entre Jésus le Père est le modèle. Le chapitre 15 commence en parlant de cette articulation entre le Père, le fils et les disciples, avec cette fois l’image de la vigne. »
L’article s’achemine alors vers une question : « Pourquoi leur en parler seulement maintenant ? » dont la réponse renvoie discrète au Prologue : « Auparavant, ils avaient sa présence avec eux. À l’avenir, ils auront cette parole, cet avertissement qui leur reviendra à la mémoire le moment venu et donnera sens à ce qui leur arrivera. L’annonce des persécutions leur est faite à ce moment où la violence (au nom de ce qui a été indiqué) va s’opposer ouvertement à l’écoute de la parole qui dérange parce qu’elle révèle l’Autre et sa qualité d’« amour ». » Nous avons aimé que l’auteur prenne le risque de rappeler l’enjeu que cette Parole prend au regard de la violence, celle dont parle l’Évangile, celle qui circule malheureusement encore tellement au sein de notre humanité : « Il y a d’avance du sens investi dans les persécutions futures. Ainsi annoncée et justifiée, la persécution n’est ni absurde ni un accident de l’histoire. Elle prend sens dans l’histoire tragique des conflits entre la parole qui révèle le Père et la violence qui impose des conceptions étroites pour renforcer un pouvoir personnel ou social. « Connaître le Père et le Fils » et « demeurer dans leur amour » peut guérir toute violence, même celle provoquée par le fanatisme religieux qui fonctionne à la manière du « monde », en « aimant ce qui est à lui ». »