Viser l’approche par compétences pour former les adultes

Formation Vie de l'établissement


UCLy

Au départ, la notion de compétences est traditionnellement associée aux métiers techniques et manuels. En réalité, l’adage « c’est en forgeant qu’on devient forgeron » est valable pour toutes les activités professionnelles, y compris les métiers dits intellectuels. L’approche par compétences trouve de plus en plus sa place au sein des organismes de formation académique dans une vision plus large, pour répondre aux attentes de la formation pour adulte. 

Comment aborder ce concept pour se l’approprier ?

L’approche par compétences (APC) propose de fonder l’ingénierie de formation sur les compétences nécessaires dans le cadre de la réalisation d’activités professionnelles. Elle consiste à s’appuyer sur les réalités du terrain pour identifier les compétences essentielles à acquérir en vue de l’exercice d’une activité professionnelle. Autrement dit le savoir agir en situation. Cette nouvelle architecture d’ingénierie de formation repose d’abord sur les compétences identifiées et non plus sur les savoirs ou les disciplines. Cela se traduit notamment par l’établissement d’un référentiel de compétences. Cependant, l’APC n’exclut pas la transmission des savoirs, bien au contraire : elle l’intègre. Rappelons la définition d’une compétence : il s’agit de la mobilisation de ses ressources internes (savoirs, savoir-faire et savoir-être) et des ressources externes dans un contexte que l’on pourra transposer.

La pédagogie de l’alternance met notamment à l’œuvre ce principe : identifier les missions, activités, tâches des alternants en entreprise et articuler la progression pédagogique avec les exigences du terrain, proposant des va-et-vient entre théorie et pratique.

D’autre part, en tant que réponse aux besoins en compétences des individus et des entreprises, elle invite à développer une conception individualisée de la formation. Puisque personne ne dispose des mêmes acquis, il faut adapter la réponse pédagogique à chacun. Dans l’opérationnel, on peut sans complexe dire que cette démarche requiert quelques acrobaties d’ingénierie pour combiner référentiel de compétences et référentiel de formation.

Une pédagogie et un suivi des étudiants à Lyon

Des lois en faveur de l’APC

Aujourd’hui, ces pédagogies sont de plus en plus soutenues par l’évolution du cadre réglementaire. On peut retenir par exemple les lois suivantes :

Approche compétences

La dernière loi en date du 5 Septembre 2018 renforce tout particulièrement l’importance de cette approche. Elle réforme l’organisation même de la formation professionnelle et de ses instances. Elle concentre la circulation des fonds publics et mutualisés vers les dispositifs de formation adossés à des certifications professionnelles. Autrement dit, en soutenant les dispositifs décrits en compétences, c’est la valeur « employabilité », au sens « besoin marché » des formations que l’Etat soutient. De fait, les organismes de formation professionnelle (rebaptisés PAC, Prestataire d’Actions concourant au développement des Compétences) sont invités à concevoir et déployer leur programme de formation comme des dispositifs aboutissant à l’acquisition de compétences et de les adosser à des certifications professionnelles. Si le débat idéologique et philosophique autour de la formation peut avoir lieu, la nécessité économique agit comme moteur de changement de paradigme à l’œuvre au sein des PAC. Ils sont de plus en plus nombreux à tenter de transformer leurs contenus ou référentiels de formation en référentiel de compétences.

L’APC comme réponse aux besoins des entreprises

L’approche par les compétences est depuis longtemps utilisée dans le monde socio-économique, par les entreprises. Les fonctions ressources humaines mettent en place depuis plusieurs années la GPEC (Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences). Pour rester compétitives, les organisations doivent s’interroger sur les besoins et les manques en termes de compétences.

Cette « orientation compétence » est donc désormais à l’œuvre dans le secteur de la formation, poussée par les réformes du code du travail et de l’enseignement supérieur, mais également par les attentes des entreprises. Ainsi la compétence devient un langage commun, compris par le monde socio-économique et le monde de la formation.

C’est ce langage, cette approche, qui est utilisée dans les certifications professionnelles telles que celles enregistrées au RNCP (Répertoire National des Certifications Professionnelles).
Être titulaire d’une certification professionnelle garantit au diplômé ainsi qu’au bénéficiaire (c’est-à-dire l’entreprise qui emploie le titulaire par exemple) que les compétences décrites dans le référentiel sont détenues. En effet, une certification présente nécessairement un référentiel d’activités, de compétences et d’évaluation.

Les diplômes de l’enseignement supérieur sont désormais officiellement concernés. L’arrêté du 30 juillet 2018 relatif au diplôme national de Licence décrit dans son article 9, leur nouvelle organisation.

« Sur un plan pédagogique, les parcours de licence sont organisés en semestres, en blocs de connaissances et de compétences et en unités d’enseignement, afin de séquencer les apprentissages. La définition de blocs de connaissances et de compétences vise à valider et à attester l’acquisition d’ensembles homogènes et cohérents de compétences contribuant à l’exercice en autonomie d’une activité professionnelle. Elle renforce la cohérence et la lisibilité des parcours au regard des objectifs visés et facilite l’insertion professionnelle. Elle fait de la licence une formation plus adaptée aux besoins de la formation tout au long de la vie. »

Les universités se mettent donc au travail, même si les délais donnés par le législateur restent vagues.

Photo illustrative domaine de formation Accompagnement social, éducatif, psychologique

L’APC comme réponse aux besoins des adultes en formation

Si l'approche par les compétences peut être perçue comme utilitariste lorsqu’il s’agit de certifier des compétences ayant une valeur marché, il n’en demeure pas moins qu’elle répond aussi à un objectif d’apprentissage propre aux adultes inhérente aux principes de l’andragogie.

En somme, il ne s'agit pas forcément de considérer les compétences comme unité de mesure de la valeur d'une ressource sur le marché du travail mais plutôt comme ce qui fait sens et a une utilité pour le bénéficiaire.

Le concept d’andragogie définie comme l’apprentissage pour les adultes peut nous éclairer. A la différence de la pédagogie (apprentissage pour les enfants), le sujet est considéré comme acteur de son apprentissage. Il mobilise dans son apprentissage :

  • La motivation : l’apprenant se mobilise lorsqu’il a un intérêt à apprendre (pour répondre à un problème ou à une situation-problème par exemple), le temps d’application est immédiat
  • La projection dans l’action : l’adulte a besoin de voir à quoi l’apprentissage va lui servir, il est sensible à l’action, au concret
  • L’engagement de ses expériences : les expériences d’un adulte sont autant de ressources ou de freins pour le faire entrer en formation
  • L’autonomie favorisant les modèles pédagogiques participatifs et réflexifs
  • Le collectif comme autant de ressources amenées par ses pairs.

Répondre aux besoins des adultes en formation nécessite donc d’opter pour les paradigmes suivants :

  • La formation est développée en référence à un référentiel de compétences
  • L’apprenant est autonome pour mobiliser les ressources multidisciplinaires nécessaires à la réalisation de l’activité pédagogique. Elles lui sont mises à disposition
  • Le parcours pédagogique est constitué de situations-problèmes à résoudre
  • Le formateur met en œuvre la facilitation des apprentissages, l’animation du collectif et l’accompagnement à l’autonomie des apprenants.

Groupe de formation continue-UCLy

L’APC à l’Université : une approche qui se construit pas à pas

Finalement l’APC ne se résume pas à la perception induite par les lois, les dispositifs de financement et les attentes légitimes des entreprises. Elle peut s’entendre également comme une réponse à la spécificité des apprentissages des adultes. En effet, le professionnel qui s’engage dans une formation cherche à savoir quel sera le retour sur son engagement. Que saura-t-il faire après la formation qu’il ne connaissait pas avant la formation ? En somme, comment la formation l’aura transformé et aura transformé sa pratique professionnelle ?

Pour les universités, la mise en œuvre de l’APC peut bousculer. L’approche interroge la définition même de la compétence, remet en question les ingénieries de formation et pédagogique et ainsi exige une certaine agilité des parties prenantes. Mais cette dynamique est aussi porteuse d’opportunité de collaborations nouvelles entre acteurs issus de fonctions et champs professionnels différents.

L’engagement de tous ces acteurs (y compris au plus haut niveau) est donc déterminant pour déployer l’approche compétences dans les projets de formation. Aussi il s’agit pour les organismes de formation dont les universités de s’acculturer à cette démarche pas à pas en commençant par aller à la rencontre des acteurs de terrain dans la vie professionnelle et citoyenne. Loin de se réduire à une technicité, l’APC est finalement avant tout une posture d’écoute et d’analyse des besoins facteur de compréhension et de croissance mutuelle.

Ressources

FNEGE, AUNEGe, IAE France, Université Numérique, Sous la direction de Franck BRILLET et d’Aline SCOUARNEC, Livre Blanc « Penser et agir compétences : un changement de paradigme pour les établissements et les formations ?», novembre 2020

Les grands penseurs de l’EDUCATION, Sciences Humaines, Grands Dossiers n°45, décembre 2016-janvier-février 2017

DENNERY Marc, « Approches par les compétences (APC) : mode ou transformation profonde ? », C-Campus le blog, 12 octobre 2020 : https://www.blog-formation-entreprise.fr/approche-competences-apc-mode-transformation-profonde/

Ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Arrêté du 30 juillet 2018 relatif au diplôme national de licence. 7 août 2018

WAGENER Bastien, Andragogie et formation d’adultes, Conférence présentée à l’IHEEF, avril 2019, publiée par CHRISTOL Denis, Apprendre Autrement, 10/11/20 : http://4cristol.over-blog.com/2020/11/mise-au-point-sur-l-andragogie.html?utm_source=_ob_email&utm_medium=_ob_notification&utm_campaign=_ob_pushmail

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