Thèse de Pascal David : La pratique de la philosophie comme principe de cohérence de la vie et de l'œuvre de Simone Weil

Pascal David soutiendra sa thèse en philosophie le 11 juin 2024 à l'Université Jean Moulin Lyon 3.

Jury de thèse

  • Pr. Jean-Philippe Pierron (Université de Bourgogne)
  • Pr. Emmanuel Gabellieri (UCLy)
  • Pr. Ghislain Waterlot (Université de Genève)
  • Pr. Frédéric Worms (ENS-PSL)
  • Pr. Christine Zyka (Newman Institute, Upsal, Suède)

Résumé de la thèse

Afin de restituer la cohérence de l’œuvre de Simone Weil, ainsi que la cohérence entre sa vie et son œuvre, il s’avère fécond de s’interroger sur sa pratique de la philosophie, de s’intéresser à l’activité philosophique comme travail éthique de soi sur soi et de transformation de soi, de se demander ce qu’est une vie philosophique (bios philosophicos). En effet, S. Weil ne prétend pas élaborer un système philosophique ni proposer une philosophie nouvelle. Elle s’intéresse à ce qui a lieu « maintenant », opère un diagnostic du présent et propose des principes pour une action politique qui (se) pose sans cesse la question de la justice : « Luttons-nous pour la justice ? » Comment la philosophie se confronte-t-elle à sa tâche, à son ergon ? C’est à partir de son expérience vécue, cherchant toujours un contact avec le réel, allant au plus bas de l’échelle sociale et y rencontrant le malheur, qu’elle écrit : la philosophie est épreuve du réel. S. Weil, à l’école des Grecs, de Platon, des Stoïciens, propose une philosophie des attitudes et des exercices spirituels de telle manière que la personne passe dans l’impersonnel (« perdre la perspective ») : écouter, méditer, détacher son désir, faire attention, contempler, attendre.

La philosophie est savoir de spiritualité, cherche une vérité qui transforme aussi bien le sujet que l’écriture : c’est l’entrée de Dieu en philosophie, par la rencontre du Christ, par l’expérience et la science du surnaturel, par un discours qui se trouve ainsi traversé par un Autre, un Dehors, un Bien, de telle manière que la langue s’en trouve reconfigurée, la métaphysique se décalant vers la métaphore. S. Weil écrit pour elle-même : ce sont les Cahiers, des notes pour des exercices spirituels en vue d’une transformation de soi, qui peuvent être interprétés à partir d’un genre littéraire de l’Antiquité hellénistique et romaine, celui des hypomnémata. Car c’est aussi bien l’acte d’écrire, et de réécrire, qui importe : l’écriture comme manière de vivre. S. Weil écrit des articles de revues et de journaux, des lettres et des poèmes, pratique l’écriture comme un art de gouverner, un art de la direction spirituelle.

C’est alors une autre carte des liens entre la subjectivité (destituée), la vérité (attendue et adressée) et les manières d’écrire (la matérialité des discours) qui se dessine. Il n’y a pas d’écriture philosophique sans éthique de l’écriture. Par l’étude d’un corpus et de sa formation génétique, en s’attachant à l’écriture, comme le lieu où s’objective la durée interne d’une pensée en acte, en détectant les inventions et les évolutions conceptuelles, il s’agit donc de se demander ce qu’est la philosophie, et si elle est aujourd’hui ce qu’elle était chez les Anciens, une ascèse, une orientation du regard vers le Bien et une vérité qui sauve.