Stratégie sans conscience ... quelles responsabilités pour le dirigeant de demain ?

Rabelais a dit en son temps que « Science sans conscience n'est que ruine de l'âme ». Il s’agit d’accepter que nous (humains) ne sommes pas omniscients, ni omnipotents. Une connaissance sans morale, sans recul est dangereuse.  Dans le monde moderne, frappé par la crise sanitaire, le changement climatique, comment piloter l’entreprise ? Est-ce que nous pouvons dire que stratégie sans conscience n’est que ruine de… Ruine de quoi ? L’humanité ? L’économie ? La société ? Le territoire ? 

Ce qui semble clair, c’est que l’entreprise ne peut plus être pensée ni se penser comme isolée du reste du monde. Elle est partie et moteur du monde. Ainsi elle se retrouve à intégrer de nombreuses contraintes : performance économique (financière), éthique, Made in France, responsabilité Sociétale, inclusion, développement durable, attentes des différentes parties prenantes, concurrence internationale. Pas facile alors de définir un cap, surtout quand en bonus le cours des choses semble incertain. 

Comment être dirigeant face à une telle complexité ? En sortant de notre modèle habituel du dirigeant tout en haut qui sait, décide et agit seul, certainement. Une fois que ces évidences sont énoncées, comment accompagner les dirigeants ? comment former les futurs managers ?  

Il n’y a certainement pas de réponse universelle même si nous adorons tous cela. Il semble cependant intéressant de suivre 3 pistes : dépasser les dualités, pratiquer l’intelligence économique, s’ouvrir aux autres pleinement 

C’est peut-être dans la posture et la façon de voir les choses que se trouve la première piste. Chacune des nouvelles (enfin plus ou moins) contraintes est systématiquement présenter comme un dilemme entre : produire en France/ produire ailleurs, inclure/exclure, efficacité économique/efficacité sociale, guerre économique/paix économique. C’est une question de hauteur de vue et de définition de l’espace d’action. Chacune de ses dualités peut (doit ?) être dépassée ou au moins remise dans un contexte précis. Par exemple, est-il nécessaire d’avoir une posture de guerre économique avec vos concurrents régionaux alors que vous savez que pour gagner un marché en Chine vous aurez besoin de coopérer pour réussir (contexte géographique) ? L’effort que vous faites pour favoriser l’inclusion à un coût maintenant mais dans 2 ans cet investissement vous évitera d’être exclus du marché (temporalité) ? Prendre de la hauteur de vue permet de dégager l’horizon, faire un pas de côté permet de voir autrement. Bref il faut pratiquer le discernement. 

La seconde piste pour bien piloter est de pratiquer l’intelligence économique. Tous les dilemmes auxquels sont soumis les dirigeants exigent un fort niveau de savoir, de compréhension. Aucun être humain ne dispose d’un tel niveau de savoir ou de conscience. L’intelligence économique est une discipline souvent négligée dans les PME et les ETI mais elle permet de sécuriser tous les processus de l’entreprise. Elle suppose une culture de l’information, une posture de curiosité afin d’avoir une vision plus objective des situations et en particulier des enjeux. Elle ne concerne pas que les grands groupes transnationaux. Elle assure aussi la cybersécurité qui a montré tout son intérêt ses derniers mois. L’IE protège des fakes news, des manipulations de l’influence. Bref, il faut sécuriser l’information. 

La troisième piste consiste à s’ouvrir aux autres pleinement. Rien d’innovant dans cette proposition. Ne dit-on pas seul on va plus vite ensemble on va plus loin ? Multiplier les regards, les angles de vues permet d’avoir une vision ajustée des situations. S’ouvrir pleinement aux autres consiste à se mettre à l’écoute. Cela n’empêche pas la décision car même les plus grands musiciens jouent sous l’autorité du chef d’orchestre. Entendre les points de vue agir en conscience appellent cette ouverture. Cela demande de prendre en compte les territoires, les associations, le voisinage, les collaborateurs. Bref il faut accepter l’interdépendance.  

Au final la stratégie par définition ne peut pas être sans conscience. En effet, elle suppose de faire un état des lieux de la situation (intelligence économique, hauteur de vue) pour identifier le champ des possibles (les 3 pistes) afin de décider d’une ou plusieurs actions. La nouveauté réside dans le fait que le monde qui entoure l’entreprise demande plus de sens. Les choses ne peuvent plus être faites de façon amorale mais bien avec un engagement concret du dirigeant, de l’entreprise mais pas seulement. L’entreprise est partie-prenante du collectif, dont les responsabilités sont grandes, et chacun doit y prendre sa part.  

Céline BOS

Docteur en sciences de gestion, Responsable de la spécialisation management et stratégie d’entreprise, ESDES Business School

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