Résumé
Le but de ce travail a été de préciser en les quantifiant certains aspects de la reproduction de Bufo Regularis Reuss, amphibien tropical dont le cycle sexuel est considéré comme continu.
Très largement répandue en Afrique cette espèce terrestre est d'une forme colonisatrice à caractère savanicole et anthropophile dont le processus de spéciation est probablement récent ou même actuel. Ces diverses populations de Bufo présentent de multiples disparités dans leurs modes de reproduction, eux-mêmes adaptés aux différents biotopes.
Bufo regularis a été ici étudié essentiellement à partir de deux lots d'animaux :
• les uns ont été ramassés pendant une année à Lomé, en région côtière togolaise, sous climat sub-équatorial à deux saisons de pluies ;
• les autres ont été capturés à Brazzaville pendant les neuf mois de la saison des pluies sous climat équatorial.
Sur les sujets de Lomé où la température est relativement constante (moyenne annuelle 26,5°), les différentes observations biométriques et histologiques des testicules sont traitées statistiquement, après avoir regroupé les résultats en trois classes en fonction de la pluviométrie du mois de capture des animaux (56 mâles et 68 femelles). Ces animaux ont été sélectionnés par leur taille et ont tous atteint la maturité sexuelle.
Il en résulte que la saison n'a aucune incidence sur les différents paramètres biométriques étudiés, à savoir : longueur et poids du corps, densité, rapport gonado-somatique, poids des gonades et des corps adipo-lymphoïdes. Toutes ces données présentent une grande homogénéité tant chez les mâles que chez les femelles ; elles sont toutefois supérieures chez la femelle par rapport à celles du mâle, l'indice de dimorphisme étant de 55,8%. Ces animaux ne semblent pas avoir souffert des variations pluviométriques dont découlent des changements de nourriture ; nous retrouvons ici la grande tolérance écologique, bien connue pour cette espèce.
Contrairement à celui des autres Anoures, le testicule de Bufo regularis est multilobé, ce qui nous a conduit à tester l'homogénéité histologique des différentes régions de cet organe ; l'analyse statistique des diverses catégories cellulaires, sexuelles ou non, de 4 animaux différents a montré qu'elles étaient également réparties.
Sur l'ensemble du ramassage (56 sujets mâles), l'exploitation mathématique du pourcentage des différents stades spermatogénétiques nous a permis de conclure que le cycle sexuel mâle est continu. En effet, malgré un déficit hydrique important durant les ramassages, aucune incidence des perturbations saisonnières n'est décelée sur toutes les données histologiques quantifiées à savoir : le nombre de tubes séminifères par mm² de testicule, le pourcentage de tubes séminifères sans spermatozoïdes, le coefficient d'occupation spermatogénétique, et les cellules sexuelles. Si toutefois les spermatozoïdes libres sont un peu plus nombreux durant les mois pluvieux, les spermatogonies et les spermatocytes ont une distribution remarquablement homogène, indépendante des variations pluviométriques. Une stabilisation semble maintenue par un phénomène d'auto-régulation entre la multiplication des spermatogonies primaires et les spermiations, ce qui reconstitue le stock des cellules germinales de chaque catégorie et le maintien constant.
Les premières observations de Bufo regularis femelles nous ont montré qu'il y a des animaux prêts à pondre toute l'année ; 50% des ovaires présentent des phénomènes d'atrésie.
L'étude autohistoradiographique de 59 Bufo regularis mâles provenant de Brazzaville confirme en outre ces observations et l'appartenance de ces crapauds au type dit "cycle continu". Cette expérimentation permet de préciser ce point et de quantifier la cinétique de la spermatogenèse. En effet, chez tous les animaux des différents lots, une partie des spermatogonies entre en multiplication. Cette réelle activité spermatogénétique, ainsi décelée durant les neuf mois de la saison des pluies, suggère que le cycle sexuel mâle est de type continu "vrai" : le testicule ne semble pas dans ces conditions être un organe de réserve en repos à certaines périodes et en activité à d'autres. Des expérimentations analogues sur Bufo provenant de Lomé permettraient de confirmer que les divisions goniales ont bien lieu toute l'année et sont indépendantes des précipitations.
La variabilité individuelle importante, constatée dans les populations de ces deux stations, semble être le reflet d'une évolution spermatogénétique se produisant par vagues successives sous une forme continue, sans interruption.
En conclusion, il semble découler de nos observations chez cet Anoure, que spermatogenèse - et également ovogenèse, d'après nos premiers résultats - soient continues dans leur potentialité et indépendantes des variations pluviométriques. Toutefois les précipitations interviennent par leurs variations directement sur les pontes, privilégiant ainsi des périodes de reproduction (durant notre année de ramassage à Lomé où sévissait la sécheresse, la reproduction massive n'a pas eu lieu normalement en Avril, mais seulement en Octobre au retour des pluies).