XX-1 - Le pouvoir politique et son "autre" (2015)

Revue des Facultés de Théologie et de Philosophie

Résumés des articles de la première partie du 20ème numéro de la revue Théophilyon

Jean Reynard - Aspects de la pensée politique des pères cappadociens

Même s'ils sont avant tout théologiens et exégètes et ne s'intéressent que marginalement aux questions que pose le rapport du politique et du religieux, les Pères cappadociens Grégoire de Nazianze, Basile de Césarée et Grégoire de Nysse ont été confrontés, dans la seconde moitié du IVe siècle, au défi du néo-arianisme activement soutenu par la politique impériale dans un Empire devenu chrétien avecConstantin. Cette expérience les a conduits à préciser le rôle qu'ils entendaient voir jouer aux gouvernants. Ils reconnaissent la légitimité de leur pouvoir et ne contestent pas l'ordre social dont ils sont les garants naturels, eux qui doivent à Dieu leur pouvoir. Il n'empêche que celui-ci doit être encadré. Sur le plan religieux, ils admettent l'intervention du souverain qui partage leur foi, mais, en cas de désaccord, se font les défenseurs de la doctrine qu'ils jugent orthodoxe et n'hésitent pas à s'opposer directement aux empereurs. Enfin, ils dressent en pointillé le portrait du souverain qu'ils appellent de leur vœu, un souverain qui, comme représentant de Dieu sur terre, doit se conformer au modèle moral du bon roi, tel qu'on le trouve également décrit par les contemporains païens.

Paul Valadier - Des versets encombrants. « Toute autorité vient de Dieu » (Epître aux Romains, 13,1)

Pour un esprit imbu de l'éthos démocratique, la formule biblique, ou d'autres semblables, selon laquelle « toute autorité vient de Dieu » est encombrante. Faut-il la passer sous silence ? La contextualiser au point de la révoquer pour nos sociétés ? L'« euphémiser » pour la banaliser ? On montre ici que ces formules, toujours pertinentes, mettent le doigt sur des tensions bénéfiques propres à toute vie politique et qu'on aurait bien tort d'en minimiser la portée. Le chrétien n'a pas à les taire, mais au contraire à les penser en vérité.

Yves Krumenacker - La résistance au pouvoir dans le calvinisme historique

La Réforme a été confrontée à ses débuts à la nécessité de résister aux pouvoirs politiques et religieux qui s'opposaient à elle. Luther s'oppose à toute révolte et ne conçoit qu'une résistance passive. Dans ses différentes œuvres, Calvin, suivant en cela Luther, insiste surtout sur l'obéissance due aux autorités. Si le pouvoir se montre injuste, il reste institué par Dieu et il faut se contenter de réfléchir aux offenses qui ont fait mériter un tel souverain aux fidèles, prier, souffrir ou fuir dans un pays où on peut exercer librement sa religion. Obéir à Dieu plutôt qu'aux hommes ne peut donc être également qu'une résistance passive et exceptionnelle. Pendant les guerres de religion le droit de résistance se précise, mais à partir d'un argumentaire politique privilégiant la noblesse et les magistrats,fondé sur le rejet des étrangers, la souveraineté populaire et la théorie du contrat. C'est donc moins le droit de résistance que la nature du pouvoir qui est en jeu. En dehors des cas exceptionnels, c'est l'obéissance aux autorités, selon Romains 13, qui prévaut.

Mireille Hugonnard - L’Église catholique dans l’Espagne franquiste. Histoire d’une évolution

En 2015, en Espagne, seront remémorées la mort du Caudillo Franco et la transition politique qui conduisit en douceur à la démocratie. Or le chemin de la théologie dans les quarante années qui précédèrent ces événements présente des caractéristiques significatives et universalisables pour réfléchir en théologie morale politique. La collusion première avec le franquisme, porteuse d'ambiguïtés notables, fut favorisée par les événements politiques graves de la guerre civile : sur le plan moral, les conséquences furent la mise en place sous contrainte d'un modèle de chrétienté fondé sur l'obéissance religieuse et, en strict miroir, l'obéissance aux pouvoirs civils. Le retournement, auquel le concile Vatican II soumit l'Église par l'affirmation de l'autonomie des réalités temporelles et la reconnaissance de la liberté religieuse, connut par suite un retentissement sans pareil en contexte hispanique. L'Église, son Magistère comme ses théologiens en furent radicalement transformés, convertis, et invités à revenir aux sources de l'obéissance jusqu'à reconnaître la vocation de tout homme à une liberté responsable. Cette posture nouvelle s'inscrivit profondément dans l'ecclésiologie : transformera-t-elle un jour la visée politique ?

François Lestang - Un autre roi que César ? Implications politiques de l'évangile paulinien

Depuis une vingtaine d'années, la recherche exégétique s'intéresse davantage aux dimensions sociales et politiques du Nouveau Testament, en particulier dans le champ des études pauliniennes. N'y aurait-il pas, dans l'affirmation de la Seigneurie de Jésus, une revendication anti-impériale ? Nombre d'éléments de vocabulaire décrivant l'autorité et l'activité de Jésus se retrouvent dans ce que l'on peut appeler la « propagande impériale » ; comment comprendre cela ? N'y aurait-il pas chez Paul des « scénarios cachés », lorsqu'une parole d'opposition explicite est impossible ?
Dans le début de la première lettre aux Corinthiens, l'annonce d'un messie crucifié va de pair avec la certitude que les « régisseurs de ce monde » sont anéantis (1 Cor 2,6), ce qui est une claire annonce de la fin de la domination impériale, dans une logique apocalyptique.
La lettre aux Philippiens présente une exaltation de Jésus que l'on pourrait rapprocher de l'apothéose impériale, et attribue aux croyants un politeuma céleste, différent de toute citoyenneté terrestre, serait-elle romaine. Mais il semble moins nécessaire d'y voir un accent anti-impérial. Enfin, le fameux texte de Rm 13,1-7 invitant à la soumission aux autorités comme voulues par Dieu est analysé en détail, pour y voir quels éventuels scénarios cachés s'y trouveraient.

En conclusion, on confronte les résultats de l'étude au texte d'Ac 4,19 où Pierre déclare préférable d'obéir à Dieu qu'aux hommes.

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