Sommaire de la revue n°137
L’homme et son frère – Jean Calloud
Jean CALLOUD (CADIR-Lyon) revient ici sur une lecture naguère engagée du chapitre 4 du livre de la Genèse. Dans ce premier engendrement (Caïn et Abel), il ne s’agit pas seulement de passer à la génération suivante, du pareil au même dans le temps et dans l’espèce, mais de déployer et d’expliciter le paradoxe de la création ; soit le propre et les effets induits de l’interaction entre un dire divin et un mécanisme de la nature. Dans la logique du récit, Caïn est naturellement premier ; premier conçu et premier-né, ainsi reconnu par la mère ; premier-né de l’humanité donc. Abel vient ensuite, comme un reste. Mais dans la séquence des offrandes, cet ordre semble inversé, et cette inversion porte de graves conséquences. La question est alors posée de l’effet de cet enchaînement et de la disparition (ou chute) d’Abel massacré dont la voix se faire entendre ; « la voix du sang de ton frère crie vers moi du sol… », la voix qui annonce le corps en souffrance dans la chaîne signifiante qui, désormais sous diverses formes, se déploie dans le temps.
Les Dix plaies d’Égypte ou la création d’Israël – Louis Perrin
Louis PERRIN (CADIR-Lyon) propose ici une lecture des Dix plaies d’Égypte (Ex. 7,1 – 9,13). Cette séquence du livre de l’Exode se présente comme une série de dix « paragraphes » qui pose au sémioticien un problème d’organisation. Au-delà de l’énumération et de la succession de ces fléaux, qu’est-ce qui peut organiser la série ? L’observation du texte porte sur les critères figuratifs d’espace, de temps et d’acteurs. Une hypothèse est ici formulée. Au plan syntaxique, la série semble s’articuler en 3 + 3 + 3 + 1, et chaque ensemble de trois fléaux installe une différence remarquable en 2 + 1. Ainsi peut se profiler une forme du contenu. Au plan sémantique, l’ensemble des fléaux semble évoquer, non sans quelque distance, les éléments de la création en sept jours de la Genèse. Il en va comme si la création d'Israël contenait en elle-même la création de tous les éléments de l'univers. Et il y a une déconstruction des éléments de la nature (nature qui est le lieu de l'Égypte, déconstruction dont le paroxysme est la mort des premiers-nés), pour une distinction du peuple d'Israël, peuple d'exception dans lequel réussissent les éléments de l'univers.
Le testament spirituel de Jésus selon Jn 13-17. En écoutant Jean Delorme. 3ème partie : Jean 16 – François Genuyt
François GENUYT (CADIR-Lyon) poursuit ici sa retranscription des conférences consacrées par Jean DELORME (CADIR-Lyon) à l’évangile de Jean. En décrivant avec attention le tissage des figures, cette lecture continue à tracer la perspective, esquissée précédemment, qui permet à un lecteur d’expérimenter sa propre transformation en disciple « en raison du travail que le texte lui impose de faire ». C’est précisément d’un tel travail qu’attestent les pages qui suivent. Et c’est à un semblable travail qu’elles invitent leurs lecteurs. Jésus annonce son départ et la venue prochaine de l’Esprit de vérité. L’heure vient : l’entrée dans le silence prépare un autre régime de parole. Courage ! Le mot résumerait bien le texte. “N'ayez pas peur ! J'ai vaincu le monde”. Victoire sur le monde ne veut pas dire condamnation du monde. La peur nous a menottés. La force de l'Esprit dompte toute peur, parce qu'elle est la certitude de la présence et de la connaissance mutuelle contre toute question, sécurité et point de vue du savoir.
Paul esclave et la soumission. La question de la soumission dans la lettre de Paul à Tite – Jean-Loup Ducasse
Jean-Loup DUCASSE (CADIR-Aquitaine) propose dans cet article de revenir sur certains propos de l’épître de Paul qui suscitent chez bien des lecteurs agacement et refus… Prônant la soumission, Paul semble légitimer des pratiques machistes, esclavagistes et autoritaires… Mais la lettre à Tite, comme d’autres, doit être lue comme un ensemble signifiant, et les figures de l’esclave et de la soumission doivent être abordées à partir de leur mise en discours et de leur enchaînement dans l’ensemble du texte. Il apparaît alors que la soumission signifie l’accueil du don fait au croyant. Vivre les rapports de dépendance entre humains — comme la distribution des générations, des sexes, des responsabilités sociales en donne l’expérience — non pas dans un esprit d’écrasement de soi, mais de consentement à l’initiative d’un autre en soi, c’est la façon de se signifier les uns aux autres le don du Dieu tout Autre et son accueil.
La figure de l’Agneau dans l’Apocalypse. Présentation de la thèse de J.-B. Park – Jean-Bosko Park-Louis Panier
Byung-Kyu (Jean-Bosco) PARK, prêtre du diocèse de Taegou (Corée du Sud) a soutenu sa thèse de doctorat en théologie le 24 novembre 2009. Il s’agit de suivre dans le livre de l’Apocalypse de Jean le parcours discursif de la figure de l’Agneau, d’en mesurer les effets de sens et de montrer comme, à partir de cette mise en discours, il est possible d’envisager la proposition d’une christologie discursive. Sémiotique & Bible publie ici deux textes : le texte de la présentation orale du candidat lors de la soutenance et le commentaire qu’en a donné le directeur de thèse lors des débats qui ont suivi.