Impliquer l’entourage de la personne qui bégaie

Retour sur le RDV UCLy Expert du 22/03/2022

Le bégaiement est un trouble moteur d’origine neuro développementale qui touche plus de 5% des enfants et 1% des adultes.

Selon les spécialistes, un des facteurs susceptibles de contribuer au développement du bégaiement est le terrain familial. En effet, une légère anomalie structurelle ou fonctionnelle du système nerveux central pourrait favoriser une prédisposition au bégaiement. Néanmoins, c’est la combinaison de plusieurs facteurs qui peuvent déclencher l’apparition du bégaiement, comme des troubles de l’acquisition du langage, des difficultés psychologiques ou encore l’environnement. Ces éléments ne sont pas à l’origine du trouble, mais conjugués, ils provoquent ses manifestations. 

Si vous demandez à des personnes qui bégaient comment est apparu leur bégaiement, il est fort possible que la plupart d’entre eux l’associe à la survenue d’un événement émotionnellement intense, tel qu’un décès dans la famille, l’arrivée d’un nouveau-né dans la fratrie ou devoir parler devant la classe à l’école. Aucune relation de cause à effet n’est établie entre l’origine de l’événement et bégaiement mais il est intéressant de prendre en compte comment un choc, un stress émotionnel peut déclencher ou renforcer le bégaiement.

Au-delà des disfluences qui troublent le rythme de la parole, les personnes qui bégaient décrivent de nombreuses conséquences sur leur communication ou leur qualité de vie, marquées par la lutte, l’évitement ou la restriction. Regarder son interlocuteur, dire son nom, prendre la parole devant un groupe, passer une commande, choisir sa profession, participer à des événements sociaux ou développer sa vie amicale sont autant de situations souvent redoutées ou sources de réactions émotionnelles et cognitives très inconfortables.

La souffrance engendrée par le bégaiement varie ainsi en fonction de facteurs émotionnels et psychosociaux et est en lien étroit avec son impact sur la qualité de vie de la personne. Le bégaiement ne peut être pleinement compris sans prendre en compte les réactions cognitives et affectives des personnes qui bégaient et leurs expériences de vie globales avec ce trouble.

Le bégaiement doit être pris en charge dès son apparition et fait appel à des accompagnements personnalisés privilégiant selon le cas l’aspect moteur, comportemental ou psychologique.  Il n’existe aucune recette miracle bien entendu. Il s’agit surtout d’adapter l’accompagnement des personnes qui bégaie en fonction des problématiques qu’elles traversent. La prise en charge d’ailleurs n’implique pas forcément la disparition du bégaiement mais de soutenir la personne qui bégaie, de la soulager voire d’accepter cette « parole imparfaite ».

Les professionnels ont à leur disposition toute une palette d’exercices pour tenter de réparer le lien à l’autre, d’ajuster la communication et de permettre au patient de reprendre confiance. En plus des outils, il est essentiel d’établir une alliance thérapeutique entre le professionnel et la personne qui bégaie. Le facteur « thérapeute » ou « rééducateur » est une variable clef dans la prise en charge de la personne.

Accompagner une personne qui bégaie est un chemin complexe qui engage inévitablement les partenaires dans les échanges verbaux et de façon plus large tout son environnement.

Lors de la prise en soin orthophonique, le premier partenaire, quel que soit son âge, est évidemment le patient lui-même. La qualité de l’alliance thérapeutique favorise son engagement dans une relation de collaboration où il devient acteur de son soin. Bien souvent, l’intégration de l’entourage du patient est nécessaire pour favoriser l’efficacité thérapeutique et la meilleure adaptation possible du soin à la réalité et au contexte de vie du patient.

Le RDV UCLy Expert du mois de mars dernier fut l’occasion d’échanger autour des différentes manières de sensibiliser l’entourage de la personne qui bégaie à toutes les étapes de sa vie : famille, école, enseignants, camarades de classe, recruteurs, monde de l’entreprise… et de créer un partenariat dynamique et intégratif autour de la personne qui bégaie.

Voici les grandes lignes de cet échange en fonction de l’âge de la personne qui bégaie :

L’enfant d’âge préscolaire : partenariat avec

- Les parents : temps indispensable d’accompagnement parental avec le jeune enfant suivi ou non d’une prise en soin plus directe avec l’enfant (type Lidcombe Program). L’intervention auprès de l’entourage se fait autour de deux grands axes.
Comment se comporter avec leur enfant dans la réalité de l’échange quand il bégaie ? Et comment ajuster son quotidien et son environnement pour qu’il puisse communiquer plus facilement ?
Ex concrets : temps d’attention sans partage, ajuster le rythme de leur parole…

- Occasionnellement des membres de la fratrie, les grands parents ou la nounou sont invités à participer à une séance autour d’un jeu pour observer le fonctionnement de ce nouveau système. Prendre en compte les rôles de chacun, le style interactif familial. Redistribuer les responsabilités de chacun, faire des propositions thérapeutiques ajustées.

L’enfant d’âge scolaire

L’enfant est plus moteur. Il est beaucoup plus capable de s’évaluer et de choisir ses actions. L’implication de l’école se fait avec son accord et la nature de l’aide apportée en fonction de ses préférences.

- Les parents restent des interlocuteurs privilégiés. Ajuster la communication à la maison et leurs réactions en présence du bégaiement de leur enfant. Les parents sont plus anxieux car le bégaiement persiste. Ils s’inquiètent, culpabilisent, demandent à leur enfant de faire des efforts, ce qui contribue à renforcer les difficultés.

- Les enseignants : Sensibiliser et impliquer l’enseignant qui bien souvent connait mal le bégaiement. Il est souvent très soucieux de bien faire, d’aider l’enfant à progresser et fait respecter l’interdit de la moquerie en classe. Orienter l’attention de l’enseignant sur la qualité de la communication et non la recherche de fluence. L’enseignant peut être sollicité pour que l’enfant fasse un exposé en classe sur son bégaiement. L’enseignant est un interlocuteur privilégié quand l’enfant souffre de moqueries ou de harcèlement dans la cour de récréation.
NB : De son côté, l’enseignant peut aider au dépistage d’enfants qui commencent à bégayer et orienter les parents vers une prise en soin.

L’adolescent

Période de transformations où le désir de conformité peut être très puissant et le regard des pairs dominant. Son autonomie dans le soin est valorisée.

- Les parents restent cependant des partenaires, en fonction de l’âge de l’adolescent et de ses besoins. Ils ont besoin d’être éclairés sur le bégaiement, sur le rôle qu’ils peuvent jouer pour aider leur adolescent à s’accepter et à communiquer plus librement dans sa vie quotidienne. Cela leur permet de se désensibiliser vis-à-vis du bégaiement et de faire davantage confiance à leur adolescent.

- L’école (collège ou lycée) : L’objectif c’est que le bégaiement soit connu et évoqué entre le corps enseignant et l’élève. Déterminer avec l’adolescent le mode de communication avec le collège, avec le professeur principal ou les professeurs de langue où l’oral est à l’honneur. Possibilité de s’entretenir avec les enseignants pour réfléchir concrètement à l’aide apportée en cours lors de la prise de parole, des lectures à voix haute ou des exposés. Les examens : 1/3 temps pour les oraux : brevet, bac (Cf. plaquette « le grand oral du bac » et « Petit manuel pour Grand Oral »), études supérieures.

L’adulte

-L’entretien d’embauche :
Inviter l’adulte à annoncer son bégaiement en amont ou dès le début de l’entretien d’embauche ou à l’occasion d’un moment de bégaiement. Selon les cas, la personne qui bégaie peut être plus à l’aise en présentiel, en visio ou au téléphone.
Mise en relation avec le pôle ou le référent handicap de l’entreprise.
Inviter le recruteur à s’intéresser aux compétences que la personne bègue a développées, à ce que le bégaiement lui a apporté, aux qualités qu’il peut valoriser au sein de son activité professionnelle (sens de l’écoute, de l’organisation, empathie, désir de se dépasser, esprit de synthèse.

- Pôle/référent handicap et adaptation du poste :
Le bégaiement est reconnu par la Maison Départementale des personnes Handicapées (MDPH) et peut donner droit à une Reconnaissance de la Qualité de Travailleur Handicapé (RQTH).
Prévenir car le bégaiement peut surprendre une personne qui n’est pas avertie. Informer pour que la personne soit appréciée au-delà de son bégaiement et permettre de dépasser les idées reçues, notamment que le bégaiement n’est pas un trouble de la communication et qu’il est compatible avec des métiers d’encadrement, de relation avec le public, de négociation, d’entreprenariat…
Les contacts téléphoniques sont plus faciles en dehors de plateformes où tout le monde est susceptible d’entendre.

Créer un réseau de soutien à travers les associations et les réseaux sociaux sont autant de démarches indispensables pour aider les personnes qui bégaient à s’accepter, à dépasser leur vulnérabilité et à avancer vers une parole plus libre.
Parfois, premier accès à de l’information, sortir de la solitude, soutient moral et désensibilisation.

Voici une liste de ressources pour la personne qui bégaie et son entourage :

Ressources

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