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Procès fictif : Quelle justice dans le métavers ? 

Chaque année, les étudiants de la Licence de Droit de l’UCLy participent à une série de procès fictifs. Un apprentissage par la pratique, encadré par des professionnels, destiné à mieux appréhender la réalité des métiers du Droit.

L’État a-t-il juridiction dans un univers virtuel ?

Imaginez donc : nous sommes en 2033 dans le petit village ardéchois de Saint-Michel-en-Montagne, ou plutôt à Saint-Michel-en-Métavers, son équivalent virtuel. A l’initiative du maire, la commune a créé ce métavers pour renforcer son activité et l’imagine comme le « Las Vegas » de la réalité virtuelle. Un espace au dessus des lois ouvert à tous, mais surtout ouvert à tout.  

L’association (imaginaire) « Pensée Anthroposuprémaciste » compte bien en profiter. Avec la bénédiction de la Mairie, elle propose à ses adhérents un programme « thérapeutique » d’un nouveau genre : maltraiter des animaux virtuels dans le métavers. Une manière, selon eux, de se débarrasser de pulsions violentes dans le monde réel. Cette forme de maltraitance animale est un outrage de trop pour le Préfet de l’Ardèche. Il prend alors un arrêté pour interdire les activités de l’association dans le métavers de la commune. Mais ici la loi se heurte à une foule de questions. L’État a-t-il juridiction dans un espace en réalité virtuelle ? Quelle liberté d’expression appliquer dans le métavers ? Peut-on maltraiter du code informatique ? 

Le métavers, c'est quoi ?

Les « métavers » sont une évolution potentielle d’internet, sous la forme d’un espace en réalité virtuelle en trois dimensions dans lequel les utilisateurs peuvent interagir librement. D’abord apparus dans la science-fiction, de Matrix à Ready Player One, ils pourraient devenir réalité dans les prochaines années. Plusieurs grandes entreprises de l’informatique, du divertissement et des jeux vidéo planchent sur le sujet : Facebook est devenu « Meta » et imagine un futur en réalité virtuelle pour les réseaux sociaux, Microsoft envisage Teams en métavers professionnel, …

Dans la salle de la Cour administrative d'appel de Lyon (partenaire de la Faculté de Droit), les étudiantes de l’UCLy prennent tous les rôles pour tâcher de répondre à ces questions. Elles occupent à la fois les fonctions de magistrates et d’avocates pour les deux parties. Chaque groupe étant sous la supervision de coachs professionnels, avocats du Barreau de Lyon et magistrats de la Cour. « Le but n’est pas de faire le travail à leur place ! » note Johana Jounier, avocate et coach auprès des étudiantes. « Nous apportons notre expérience, mais les arguments sont les leurs. » 

Des débats vifs pour ces futurs juristes 

Devant le tribunal, les deux groupes d’étudiantes représentant les avocates du Préfet et du Maire arrivent bien préparées et les arguments fusent. Pour les avocates du Maire, l’arrêté n’est rien d’autre que de la censure. Selon elles, le métavers peut être considéré comme un successeur plus perfectionné des jeux vidéo. Une forme d’art qui ne peut pas tomber sous le coup d’un simple arrêté. « On ne peut pas caractériser une atteinte physique sur un animal virtuel » défend l’avocate, « ce qui se passe dans le métavers n’a aucune forme de réalité ! » 

« Le métavers n’est pas une zone de non-droit » réplique la rapporteuse publique. Subtiles, les avocates du Préfet choisissent de retourner contre elle les arguments de l’association : « S’il s’agit d’une thérapie visant à changer le comportement des adhérents dans le monde réel, l’association établit elle-même que le monde virtuel a des implications dans le monde réel. » Les magistrates sont convaincues et après une délibération menée en compagnie de véritables juges, tranchent en faveur de la préfecture. Le critère d’atteinte à l’ordre public est retenu, et l’arrêté validé. Le « Las Vegas du métavers » dont rêvait le maire de Saint-Michel-en-Montagne, ce sera sans torturer d'animaux...

 « Cela a été une expérience très formatrice » conclut une étudiante. « Ça fait une différence entre voir une profession de l’extérieur et avoir un exercice de pratique, de devoir apprendre et respecter les méthodes de travail propre à un tribunal. » 

Une réflexion à poursuivre pour les juridictions

 « Le choix du métavers est un choix d’actualité. L’idée était de demander aux étudiantes de s’interroger sur les limites du Droit positif, au travers de ce qui est différent dans le métavers » explique Marjolaine Monot-Fouletier, professeure à l’UCLy et Directrice du Pôle de recherche "Sciences juridiques, politiques et sociales" de l'Unité de Recherche CONFLUENCE "Sciences et Humanités" 

A leur manière, les étudiantes participant au procès fictif s'inscrivent dans une réflexion plus vaste au niveau de la Faculté de Droit. A mesure que les nouvelles technologies déferlent dans l’actualité et au sein de la société, chaque « révolution » pose une question aux juristes : le Droit existant est-il suffisant pour appréhender une nouvelle technologie, ou de nouvelles réglementations sont-elles nécessaires ? 

L’UCLy a accueilli deux colloques pour explorer cette question et confronter le Droit aux nouvelles technologies. Le premier a été consacré aux NFTs et le second aux métavers. « On s’intéresse à cette question comme à d’autres sujets tel que la blockchain, les NFTs ou l’intelligence artificielle » détaille Michel Cannarsa, Doyen et Directeur de la Faculté de Droit de l’UCLy. « La tendance est à la création de ces univers immersifs, interconnectés. Il s’agit de se questionner sur l’application du Droit dans ces univers et l’importance de nouvelles règles pour cette nouvelle réalité qui concerne de plus en plus de personnes. » 

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