La mort, entre chiffres et humanité

La dernière conférence du cycle consacré aux fins de vie par l’UCLy et l’hôpital Saint-Joseph Saint-Luc se tiendra le mardi 14 novembre dans le cadre des Journées de l’économie. Intitulée « Quoi qu’il en coûte ? » elle vient clore ce cycle avec une approche pratique, nécessaire et provocatrice : Comment organiser la fin de vie en tant que société ? La mort doit-elle respecter les règles de l’économie ? Entre les besoins de tous et de chacun, où se trouve l'équilibre ?

3ème table ronde UCLy / Hôpital Saint-Joseph Saint-Luc

« Quoi qu’il en coûte ! » Depuis la crise du COVID, la phrase raisonne dans le monde de la santé, lourde de connotations. Plus qu’une déclaration d’intentions, elle représente une revendication. La vie humaine est déclarée sacrée, et surtout sans prix, des débuts à la toute fin. Mais entre l’idéal philosophique et la réalité pratique, celle des Ehpads et des hôpitaux surchargés, citoyens et politiques doivent trouver l’équilibre. C’est le défi que doit relever la future loi sur la fin de vie, basée sur les travaux de la Convention Citoyenne… Pour la troisième et dernière conférence d’un cycle consacré aux fins de vie, l’UCLy et l’hôpital Saint-Joseph Saint-Paul se penchent sur ces aspects socio-économiques. Rendez-vous le mardi 14 novembre dans le cadre des Journées de l’Économie.

Parler de la mort, une nécessité politique ?

En filigrane, les deux premières conférences du cycle « Fins de vie » ont préparé le terrain pour les conférenciers. L'économie et le droit se sont souvent glissés dans la conversation entre les éclairages anthropologiques et théologiques du premier rendez-vous. La philosophe Élodie Camier-Lemoine notait que si la mort paraît existentielle et imperceptible, elle est aussi physique et pratique : « Le phénomène de la mort existe dans l’administratif, dans la démographie. Elle existe dans une approche objectivée par les chiffres. »

Les intervenants : Pr Olivier Abel

Professeur de Philosophie et d’Éthique à la Faculté Libre de Théologie Protestante de Paris, le Pr. Abel il partagera notamment un certain nombre de réflexions issus des travaux menées dans le cadre de la Convention Citoyenne sur la Fin de Vie à laquelle il participait. Comment a-t-il traversé ce temps de débat ? Qu’attendons-nous de la loi ?

La philosophe remarquait aussi l’obstacle que représente une forme de déni, résumé par le philosophe Jacques Madaule en une seule phrase : « Je sais que je vais mourir, mais je ne le crois pas. » Comme l’observe le Pr. Olivier Artus, notre société est marquée par ce paradoxe. « Au début du XXIème siècle, il y a une double disparation. Celle de la mort et celle de la fin de vie. Il est très difficile de parler de la mort. » Et s’il est difficile d’en parler, il est d’autant plus complexe de légiférer ! Peut-on souhaiter le « quoi qu’il en coûte » pour soi-même, tout en condamnant l’autre aux froides réalités des chiffres ?

Les intervenants : Dr Clémence Thébaut

Clémence Thébaut est Maître de conférences en économie de la santé à l’Université de Limoges. Ses recherches portent en particulier sur les méthodes d’évaluation économique des stratégies de santé publique.

La fin de vie, un travail

Les premiers à être confrontés à la mort sont aussi ceux qui doivent l’organiser au quotidien. Heureusement, les soignants rassemblés lors de la deuxième conférence de l’UCLy ont présenté une vision de la fin de vie moins pessimiste que celle du grand public. Alors que les trois-quarts des français craignent de mourir dans de mauvaises conditions, l’oncologue Gisèle Chvetzoff dresse un constat plutôt rassurant. « On meurt 'parfois' mal en France, mais le discours général nous répète qu’on meurt 'toujours' mal en France » observe cette spécialiste des soins palliatifs. « Il y a une situation de communication générale sur le sujet qui ne correspond pas à la réalité. »

Les intervenants : Dr Catherine Denis

Catherine Denis est à la fois Docteur en Théologie à l’UCLy et médecin, spécialiste du cancer. Elle nourrira notre réflexion autour de la délicate articulation entre logique d’efficacité et logique de fécondité dans le cadre de la fin de vie.

Malgré tout, tous les participants observent l’évolution du système de santé et la présence de plus en plus importante des forces économiques. « De plus en plus, le système de soin est orienté vers la performance » remarque Jean-Philippe Fendler, chirurgien et Président du comité d’éthique de l’hôpital Saint-Joseph Saint-Luc. « La formation médicale est uniquement basée sur la science, sur la data. L’objectif du soin est limité à la survie. Dans ce cadre, le mort n’a plus sa place puisqu’il faut passer au suivant. Ce manque de 'care' complique la prise en charge de la fin de vie. »

Les intervenants : Dr Bastien Baret

Bastien Baret est Enseignant-Chercheur en Droit à l’UCLy, spécialiste en droit de la famille et droit européen. Il nous partagera une analyse comparée du droit chez nos voisins européens en matière de prise et charge et d’accompagnement de la fin de vie.

Une dernière question, particulièrement épineuse, a été laissée ouverte. Quel rôle peut avoir le monde socio-économique dans le débat sur l’euthanasie ? S’agit-il d’une simple question de loi et de Droit ? « Dans notre société, l’individu est poussé à l’extrême, à la performance. La perte d’autonomie est considérée comme une déchéance, comme une absence de dignité. C’est l’expression société entrée de plain-pied dans le néolibéralisme » avance Gisèle Chevtzoff. « Qu’une personne dise ‘je ne sers à rien il vaut mieux que je parte’ et que la réponse de notre société soit ‘si tu veux’… Je trouve ça terrible. »

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  • Écoutez l'enregistrement de la première table ronde (perspective historique et philosophique) via la plateforme SoundCloud
  • Écoutez l'enregistrement de la deuxième table ronde (soignants/patients) via la plateforme SoundCloud

Les conférences des Journées de l'Economie #Jéco2023

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