« Pourquoi vous ne nous préparez pas à la réalité du métier ? » Cette question que posent les étudiants de psychologie et les psychologues nouvellement diplômés à leurs formateurs universitaire est tellement récurrente qu’on la retrouve dans les numéros du Bulletin de psychologie de 1950. Elle est souvent posée sous l’angle de la carence, de l’insuffisance, du manque, du manque d’homogénéité, de l’insuffisante adaptation à la réalité du terrain. Elle entend parfois souligner, de manière plus ou moins explicite, l’ignorance et la vulnérabilité que crée paradoxalement l’Université, ainsi que l’immobilité supposée de cette institution particulière.
Il y a 18 ans, à Lyon, Patricia Mercader, Alain-Noël Henri et d’autres auteurs tentaient une formulation et introduisaient dans un ouvrage les notions de «trouble» et de «bâtardise » pour penser la formation des psychologues, et défendre des modèles non homogènes de formation. «La thèse essentielle qui traverse l’ouvrage est la suivante : dès lors qu’on admet que la formation en psychologie est un processus de transformation, il devient impossible de s’en tenir à un modèle d’enseignement classique, fondé sur la seule transmission d’un savoir nécessairement idéalisé, mais surtout livresque. D’une façon ou d’une autre, tous les dispositifs de formation à la psychologie doivent prendre en compte le modèle de la recherche, qui s’articule au contraire autour de l’énigme, de l’obstacle, de la perte, c’est-à-dire autour d’un non-savoir primordial (au double sens d’originaire et d’essentiel). Corrélativement, ils doivent aussi s’ancrer sur des pratiques, dont la découverte et/ou l’analyse sont un pivot essentiel et de la formation et de la recherche.»
Quasiment 20 ans après, le trouble semble s’être fortement accentué, en même temps que l’écart entre formation initiale, stages et réalité de l’exercice professionnel: traversée de la période épidémique et perspective accrue de l’anthropocène ; révolutions technologiques majeures, notamment de l’accélération de la circulation, de l’écran et de l’image, de la transparence, de la distanciation, de la virtualisation et du sans-contact ; focalisation politique sur la santé mentale individuelle, le dogme d’une pratique « evidence based » comme seuls horizons devant guider l’action publique ; judiciarisation des liens entre sujets, y compris à l’intérieur de la formation ; mouvements massifs de désinstitutionalisation et de réorganisations forcées par des impératifs économiques de pans entiers de la prise en charge des sujets vulnérables ; primat de la figure de la réalisation individuelle, du néo-libéralisme auto-entrepreneurial qui pénètre jusque dans les universités, capitalisme de plateforme qui gagne le soin ; parachèvement de la réforme LMD, extensions du nombre de Master, et hypothèses sur la transformation des études de psychologues.
Nous sommes tous plus ou moins égarés et troublés. Comment, dans ce contexte actuel, former les psychologues à l’exercice réel de la profession tout en défendant des fondamentaux liés à l’inscription dans une histoire et une culture ?
Programme de la journée
- 8h30 : Accueil et introduction de la journée par l’équipe du Master.
- 9h00 : Georges Commerçon, psychologue, et Marine Berthet, psychologue stagiaire - Former, se former ou refuser de le faire dans les contextes institutionnels de catastrophe généralisée, de déréliction et d’attrition
- Discussion : Frédéric Lefevere, psychologue, tuteur
- 10h15 : François Pacaud, psychologue à "l'EPSM de l'Agglomération Lilloise" Soutenir, organiser et valoriser collectivement la formation des psychologues, l’apport des stagiaires, et la place des praticiens formateurs dans l’institution hospitalière
- Discussion : Héloïse Haliday, MCF Université de Bourgogne.
- 11h15 : Pause
- 11h30 : Patricia Mercader, Professeur de psychologie, UCLY. Conférence : Une diversité de recherches articulée à une diversité de pratiques, un enjeu majeur pour la profession dans les contextes renouvelés de la formation et des politiques publiques.
- Discussion : Représentants de collèges des psychologues
- 12h30 : Pause
- 14h : Roland Gori, psychanalyste, professeur de psychologie – Conférence : Les psy sont-ils encore nécessaires aujourd’hui dans nos sociétés de contrôle ?
- Discussion : Patrick-Ange Raoult, Professeur de psychopathologie, UCLY. L’inscription sociale et politique du psychologue contemporain
- 15h30 : Carte blanche aux étudiants du Master UCLY sur le thème « 2032 : inventer la formation des psychologues d’après demain ».
- Discussion : Ludmila Zaostrovskaya-Dauvergne, psychologue, doctorante CRPPC
- 16h30 : Pause
- 17h : Damien André, Brigitte Blanquet, Héloïse Haliday, Patricia Mercader, François Pacaud, Patrick Ange Raoult - Reprise, synthèse, mise en tension et perspectives par les différents intervenants. Annonce du thème 2024.
- Programme Off : Projection de portfolios numériques permettant aux étudiants de présenter leurs réalisations et leurs projets
Prix : 20 euros / 10 euros étudiants extérieurs UCLY / Gratuit sur inscription pour les maîtres de stage, enseignants et étudiants UCLY
Lien d'inscription : https://inscriptions.ucly.fr/index.php?orga=SHS