Sémiotique et Bible n°183 - Octobre 2021

Revue fondée par Cercle pour l'Analyse du Discours Religieux

Sémiotique et Bible 183 - octobre 2021Sommaire du n° 183 - Octobre 2021

Théologie et accompagnement spirituel – Olivier Robin

Du côté du lien entre sémiotique énonciative et accompagnement spirituel, le cheminement proposé par Olivier Robin touche à sa fin. La réflexion se fait théologique et plus personnelle, tout en gardant le projet d’une articulation étroite avec les préoccupations épistémologiques de notre temps. Pour cela, la spiritualité sera vue comme « tout ce qui permet d’envisager l’accrochage si étonnant du corps et de la parole dans la perspective trinitaire de la Croix, ou encore tout ce qui fait de toute relation humaine une figure du Dieu Trinité. » L’idée maîtresse consiste à décloisonner la pratique de l’accompagnement spirituel telle qu’envisagée de façon traditionnelle et les pratiques relationnelles d’aide en usage dans le monde profane, en en montrant une racine profonde. La théologie devient alors capable, dans son champ propre d’investigation, de mettre en lumière la nature de cette racine. Ce faisant, elle apporte sa contribution à l’édification d’un vivre-avec-l’autre si nécessaire à l’humanité ; la sémiotique se propose alors comme une méthodologie profane grâce à laquelle il est possible de « lire » les « structures anthropologiques » sous-jacentes à toutes les pratiques relationnelles et de discerner les connivences de celles-ci avec ce que la tradition chrétienne dit de l’humain.

Le testament spirituel de Jésus (Jn 13-17) – Jean Delorme et Jean-Yves Thériault

Du côté de la lecture de Jn 13-17, Jean-Yves Thériault poursuit toujours avec bonheur, en compagnie des notes de Jean Delorme, mais en y apportant sa contribution propre, la lecture de Jn 13-17. Le chapitre 16 constitue la charnière entre une forme de discours que Jésus adresse à ses disciples, et une parole autre : « Le locuteur termine en soulignant encore pourquoi « je vous ai dit ces choses » (v. 33). Il prévient les incompréhensions et s’assure de la bonne interprétation de son message. Autant d’indices que l’entretien s’achève ! Le temps d’une parole autre va commencer et prendre la place de sa présence avec eux (v. 4). « L’heure » qui vient (v. 32) donne force à son dire et poids à ce qu’il dit et a dit sans avoir tout dit. Son entrée dans le silence verbal annonce un autre régime de la parole. » Cet autre « régime de la parole » permettra que se continue ce que Jésus a commencé. De la sorte, « Locuteur et auditeurs auront à affronter « le monde[1] », chacun à sa manière. Lui, seul, mais en filiation avec le Père qui l’assistera intérieurement dans son combat pour « vaincre le monde ». Eux, restant encore dans ce « monde » pour un affrontement reporté à plus tard. Comme, avec le Père, Jésus n’est pas seul, eux aussi, avec les choses qu’il leur a dites, trouveront « la paix ». La mémoire des paroles et de l’œuvre de celui qui « a vaincu le monde », ravivée et renouvelée avec l’assistance de l’Esprit de vérité, constituera un antidote au « trouble » et une source de confiance pour affronter l’« oppression » future à leur égard. »

Le basculement dans la modalité de fonctionnement de la Parole, tel que décrit par Jean-Yves Thériault, nous paraît constituer un tournant majeur dans l’histoire humaine et un apport fondamental à ce qui pourrait relever d’une « anthropologie de la Parole ». L’enjeu n’est rien de moins que d’articuler l’écoute de la Parole et la vie au milieu du monde, en étant dans le monde mais « pas du monde », afin d’aider précisément le monde à sortir de ses logiques d’affrontement et d’oppression. En cela, cette lecture de l’Évangile selon Jean rejoint l’approche d’Olivier Robin en ceci que toutes les deux cherchent à rendre compte de la fécondité surprenante d’une Parole capable de traverser les âges et les changements épistémologiques, afin que les humains entrent dans ce monde « autre » où la parole fait vivre plutôt qu’elle ne tue, aliène, emprisonne, manipule, dresse les humains les uns contre les autres et, finalement, sème la mort. Un bel article à venir, proposé par Jean-Loup Ducasse, en hommage à Jean Calloud, enfoncera le clou autour de ce thème brûlant.

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