XXI-2 "Que ton nom soit sanctifié". Du blasphème (2016)

Revue des Facultés de Théologie et de Philosophie

Présentation du volume

Comment parler de blasphème sans évoquer d’abord la sanctification du Nom ? En effet, le blasphème désigne, par contraste, ce qui est à révérer. Dans la révélation biblique, souligne Philippe Abadie, le Nom de Dieu est reçu dans une histoire, celle de l’Alliance ; ainsi est signifié que si le Nom de Dieu désigne sa transcendance, Dieu n’est pourtant pas absent de l’histoire car il est le Dieu miséricordieux. Le Dieu biblique se lie si étroitement à l’aventure de sa création que « le moteur de l’agir divin est la préservation  de la sainteté de son nom. » Aussi, lorsque « Dieu agit en défense de son peuple, il agit aussi en défense de son nom. » 

S’il en est ainsi, analyse Isabelle Chareire, parler de blasphème en christianisme où Dieu lui-même  s’est fait Verbe humain, c’est comprendre que, bien plus que les blasphèmes de papier —qui, certes, ne sont pas sans portée ni signification—, est véritablement blasphématoire, toute atteinte à la personne humaine dans sa chair, car elle est atteinte à l’image de Dieu.  

Après ces deux articles qui situent, en son avers et son revers, les enjeux de la parole blasphématoire, trois autres contributions éclairent la question à partir de champs d’étude plus circonscrits : la mystique, l’esthétique et le juridique. 

Élisabeth Boncour nous invite à comprendre le paradoxe apophatique proposé par Maître Eckhart. À l’encontre de la tradition médiévale majoritaire et dans la perspective apophatique qui est la sienne, le mystique rhénan propose une compréhension positive du blasphème : au sens bien spécifique que lui donne Maître Eckhart, le blasphème est une manière de reconnaître l’absolue transcendance de Dieu parce qu’aucun attribut ne peut Le désigner en vérité. 

Partant de l’inversion opérée par la Bible —Jésus, accusé de blasphème s’avère être le témoin véritable de Dieu—, Jérôme Cottin explore quelques figures de l’art contemporain pour renverser la question : l’œuvre en elle-même ne peut être qualifiée de blasphématoire mais c’est sa réception qui la qualifie comme telle. Il nous invite alors à percevoir, à travers ces œuvres qui firent scandale, ce qu’elles révèlent du sentiment religieux. 

Brigitte Basdevant retrace l’histoire des législations canonique et civile et en souligne les enjeux. Comment concilier les mesures protectrices que la religion requiert et la liberté d’expression ? La question est d’autant plus délicate que des enjeux politiques ne sont jamais loin. En ce sens, la Révolution française, en déliant politique et religion,  opère une coupure dans l’histoire juridique du blasphème.   

Dans les Mélanges, Jean Massonnet, spécialiste reconnu du judaïsme et lauréat du prix 2016 de l’Amitié Judéo-Chrétienne de France, propose une réflexion stimulante sur le sens positif que, du point de vue chrétien, l’on peut attribuer au « non » juif à Jésus. 

  

En janvier de cette année, à l’occasion du départ en retraite de Marie-Étiennette Bély, la Faculté de Philosophie —dont elle fut doyen de 1993 à 1999—  proposait une après-midi d’études. Théophilyon est heureux de prolonger cet hommage en publiant les textes des communications données lors de cet événement. Après une brève présentation par le doyen Éric Mangin, on pourra lire la conférence de Marie-Étiennette Bély. À partir de l’œuvre d’Emmanuel Mounier, dont elle est une spécialiste reconnue, la philosophe lyonnaise a exposé devant un vaste parterre de collègues et d'étudiants, actuels ou anciens, les multiples facettes que présente, au cœur vivant du personnalisme de Mounier, la relation interpersonnelle. Après cette conférence, son collègue Pierre Gire a retracé la carrière de Marie-Étiennette Bély et Didier Gonneaud, professeur dans nos deux Facultés canoniques pendant plusieurs années, son étudiant avant que d'être son collègue, témoigne avec gratitude des perspectives qui lui furent ouvertes par celle qui sût l'initier à la philosophie et lui transmettre sa passion.  

L’actualité 2016 de la Faculté de Philosophie était particulièrement riche puisque cette rubrique s’achève par le compte-rendu, rédigé par Élisabeth Boncour, du colloque « Maître Eckhart écrivain » organisé en partenariat avec l’Institut Pierre-Gardette. 

Après la rubrique des recensions, Théophilyon  offre à ses lecteurs et lectrices un outil qui, nous l’espérons, pourra leur être utile. En effet, grâce aux soins de Dominique Vernet, aidée en cela par Domitille Lagnau, nous avons le plaisir de proposer dans ce numéro les tables des années 1996-2015, classées par auteurs… c’est une manière aussi pour nous de célébrer les vingt ans de Théophilyon ! 

Résumés des articles du second volume du 21ème tome de la revue Théophilyon

Philippe Abadie - Pour l’honneur de mon Nom

Selon la Bible le nom est étroitement lié à l’existence. Aussi, dans un premier temps, l’auteur interroge-t-il le sens qu’il convient de donner à la nomination divine « Je suis qui je serai » (Ex 3, 14) avant d’examiner la manière dont le livre de l’Exode fait passer de la nomination du « Dieu jaloux » (Ex 20, 5-6) au « Dieu miséricordieux » (Ex 34, 6-7). A cette double lumière, il aborde alors l’usage du nom divin dans l’histoire d’alliance à partir du livre d’Ezéchiel, notamment l’oracle d’Ez 36, 16-38 où le moteur de l’agir divin est la préservation de la sainteté de son nom. Il ressort de cette étude que Dieu se livre par son nom à l’humanité tout en sauvegardant la sainteté qui lui est liée.

 Isabelle Chareire - Le Verbe et la violence. Du blasphème

L’article a pour objet d’examiner les attendus de la notion de blasphème et, derrière les blasphèmes de papier, d’en dégager la dimension ontique. Une brève étude de vocabulaire permet de souligner qu’il n’y aurait pas de blasphème sans la puissance même de la parole ; l’article évoque alors diverses formes et conceptions du blasphème. Une deuxième partie examine les enjeux de sens et de violence portés par la dérision et par la parole blasphématoire ainsi que par leur répression. Enfin, on examine comment le christianisme désigne la véritable violence blasphématoire : puisque la Parole s’est faite chair, toute atteinte à la personne humaine est blasphématoire car elle est atteinte à l’image de Dieu.

Élisabeth Boncour - Lorsque la louange est blasphème et le blasphème louange

Remarques sur la condamnation de quelques propositions eckhartiennes. Le blasphème au Moyen Âge est considéré par les théologiens et les juristes canonistes comme une insulte offensant la divinité, la Vierge et les saints. En particulier, Thomas d’Aquin dans la Somme de Théologie montre qu’il est le fruit d’une volonté perverse, négation publique et proférée de la « confession de foi » et de l’amour divin. La bulle In agro dominico, retient des propos eckhartiens comme erronés ou « entachés d’hérésie ». Néanmoins, s’il est vrai que le style excessif du maître peut choquer certaines consciences religieuses, compte n’est pas tenu dans cette condamnation d’une haute tradition théologique : l’apophatisme. C’est dans une telle optique que nous souhaitons resituer la pensée eckhartienne, qui, loin d’être blasphématoire, relève au contraire d’une reconnaissance d’un Dieu caché, transcendant qui est, en même temps, louange.

Jérôme Cottin - Œuvres «blasphématoires» : un problème de réception, non de création

La notion ambiguë et complexe de « blasphème » sera doublement explorée : à partir de la Bible, qui l’a rendue caduque par une inversion des valeurs (le blasphémateur s’avère être le vrai témoin, et les accusateurs les vrais blasphémateurs), puis en prenant acte du fait que les  Avant-gardes artistiques du début du XXe siècle firent de la provocation et du scandale l’un des ressorts de la création artistique. Quittant le général pour le particulier, nous pourrons alors penser les mécanismes de la création artistique contemporaine à partir de quelques exemples provocateurs ou ressentis comme tels dans les milieux d’Eglise. L’étude d’œuvres incriminées, ainsi que l’évolution du regard que la société porte sur elles dans la durée, montrent que le problème se situe moins au niveau de leur création que de leur réception, dans un temps, un espace et un contexte particuliers. Pour éviter ces erreurs de lecture, il nous faut apprendre à comprendre et à interpréter l’art contemporain, en découvrant ses possibles relations au religieux en général, au christianisme en particulier.

Brigitte Basdevant - Histoire juridique du blasphème : péché, délit, liberté d’expression ?

À partir de l’histoire juridique – canonique et civile – du blasphème, l’article propose d’éclairer les enjeux d’une telle législation pour la société. Comment concilier les mesures protectrices dues à la religion et la liberté d’expression ? La question est d’autant plus délicate que des enjeux politiques ne sont jamais loin. En ce sens, la Révolution française opère une fracture qui délie politique et religion. Avec nuances, l’auteur retrace l’évolution complexe de la législation française jusqu’à nos jours.

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