Présentation du premier volume du 19ème tome de la revue Théophilyon
La société évolue, de nouvelles technologies envahissent l'espace public, la transmission du savoir dans les institutions d'enseignement est mise au défi d'une radicale mise à jour. Et pourtant une question demeure toujours ouverte, active qu'on en ait conscience ou non, avant toute considération portant sur les moyens de transmettre : Quel est le sens d'enseigner ? La question n'a rien de nouveau, elle est sans doute aussi vieille que l'homme et la société. C'est dire qu'elle requiert encore et toujours tant les sciences humaines que la philosophie. Le dossier présente un état de la réflexion, au sein des universités catholiques, sur le geste éducatif.
En quête d'une caractéristique de la relation éducative, Giuseppe Mari montre la fonction centrale que peut y jouer une capacité religieuse ou non à se fier, une capacité à la confiance. De la confiance à la foi, Guy Avanzini met en évidence tant l'originalité, que la pertinence pour aujourd'hui de la pensée éducative de Don Bosco. Après les sciences de l'éducation, la philosophie. Pierre Gire analyse les enjeux radicaux de sens dont l'acte éducatif est porteur. Puis Yan Plantier étudie la fonction de l'adhésion dans l'économie d'un tel sens. Enfin, place à la mémoire. Daniel Moulinet se risque à une histoire de l'université. Son récit nous rappelle la place matricielle de la théologie pour la genèse des institutions d'enseignement supérieur.
Dans les mélanges, Jean-François Chiron confronte diverses positions à propos de l'Eglise. Fut-elle bien l'objet central du concile Vatican II ? Puis Colette Poggi passe au crible la controverse médiévale entre hindous et bouddhistes sur le soi. Les chroniques régionales offrent ensuite les comptes-rendus de deux colloques : de "la vocation des chrétiens d'Orient" par Michel Younès et "50 ans de catholicisme à Lyon" par Daniel Moulinet.
Les notes bibliographiques s'ouvrent par deux bulletins, l'un de philosophie contemporaine, l'autre, biblique. Pascal Marin y fait le point sur l'actualité des philosophies de la vie dans les publications en France de l'année 2000 jusqu'à aujourd'hui. Puis Philippe Abadie présente sur le thème "du neuf dans l'ancien" trois livres récents d'exégèse vétéro-testamentaire. Viennent ensuite les recensions. Le numéro s'achève avec les tables de l'année.
Résumés des articles
Philosophie contemporaine et christianisme
De l’enfer au paradis : Judas dans la littérature francophone du XXe siècle
La littérature francophone du XXe siècle et du début du XXIe offre un certain nombre d'œuvres (romans et pièces de théâtres notamment) centrées sur la figure de Judas l'Iscariote, le disciple qui selon les évangiles a « livré » Jésus. Si la tradition chrétienne a toujours eu tendance à « noircir » ce personnage, les dix-sept œuvres littéraires ici examinées tendent au contraire à expliquer son acte, voire à le justifier. Il y a lieu de s'interroger sur les motifs et les enjeux d'un tel renversement de perspective.
Judas, arrêté par la désespérance
Judas s'est retiré et est allé se pendre : de façon laconique, l'évangile de Matthieu met un terme à la vie de Judas, d'une façon qui laisse entendre que le poids de la culpabilité a été trop fort, l'empêchant de vivre. Le désespoir est en effet un obstacle majeur, et potentiellement définitif, à la relation aux autres et à Dieu, car il donne l'impression que la faute a plus de puissance que la miséricorde. Si le lecteur de l'évangile peut méditer sur ce désespoir de Judas, et sur l'enfer qu'il constitue pour une conscience écrasée de culpabilité, il ne doit pas pour autant négliger la part de responsabilité que porte la communauté dans sa survenue. Judas est arrêté par le désespoir car aucun être humain n'a accepté de se tenir à ses côtés, ni même de l'entendre dans l'aveu de sa faute. Si S. Thomas a pu considérer le désespoir comme une forme d'erreur au sujet de la miséricorde de Dieu, il faut compléter cette définition par la part de solitude à laquelle le désespéré a été condamné et qui a contribué à ce qu'il identifie sa vie à sa faute et qu'il en vienne à se retirer du monde des vivants.
L'évangile de Judas réhabilite-t-il le disciple qui a livré Judas
L'article introduit à l'Évangile de Judas à partir des débats qui ont entouré sa récente publication. B. Barc conteste l'idée, appuyée sur Irénée qui, vraisemblablement, ne connaissait qu'indirectement le dit "évangile" que l'Évangile de Judas réhabiliterait Judas. En effet, pour saisir le le sens caché de ce texte, il convient de recourir aux règles d'herméneutique ancienne. Cette lecture permet de démonter la thèse de la réhabilitation et de montrer que Judas ne connaît pas l'origine divine de Jésus ; on ne peut donc interpréter ce texte comme le récit de la contribution de Judas à la mission de Jésus. Pour l'auteur de l'Évangile de Judas la venue de Jésus fut un échec.
« Serait-ce moi ? » Approche narrative du personnage de Judas en Marc, Matthieu et Luc-Actes
Cet article propose une exploration narratologique du personnage de Judas en Mc, Mt et Lc-Ac. C'est notamment à travers la participation du personnage à l'intrigue et les relations que le récit construit entre Judas et d'autres personnages que chaque évangile livre son portrait de Judas. Le Judas de Mc se résume à un acte, « livrer » Jésus, qui s'oppose à la mission confiée par Jésus aux Douze et qui, en même temps, coïncide paradoxalement avec la réalisation du projet divin. Mt présente un Judas qui, parce qu'il se réfère à la Loi plutôt qu'au Seigneur, ne peut assumer son crime et vivre. Le Judas lucanien effectue un parcours qui trahit celui qui est attendu du disciple, à savoir abandonner ses biens pour un service vécu dans un cadre communautaire. Ces différents portraits de Judas répondent aux perspectives christologiques et ecclésiologiques qui caractérisent respectivement chacun des évangiles. Le Judas des évangiles est mis en intrigue comme un miroir tendu aux lecteurs/auditeurs pour qu'il s'interroge en le regardant : « Serait-ce moi ? »
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