Sémiotique et Bible n°142 - Juin 2011

Bulletin d'études et d'échanges publié par le Centre pour l'Analyse du Discours Religieux

Sommaire de la revue n°142

Approches sémiotiques de l’énonciation. Une brève présentation – Louis Panier

Louis PANIER (CADIR-Lyon / Université Lyon 2) propose dans cet article une présentation des
directions dans lesquelles s’élabore actuellement une réflexion sémiotique sur l’énonciation. Partant des principes linguistiques de F. de Saussure, on présente les grandes lignes de la théorie de l’énonciation proposée par E. Benvéniste, les développements réalisés dans la mouvance de la sémiotique de Greimas et leur ouverture vers une approche phénoménologique et vers une sémiotique énonciative concernée par l’acte de lecture et sa relation à la mise en discours des grandeurs figuratives. Les approches sémiotiques de l’énonciation sont diverses, mais elles ont toutefois en commun de poser la question de l’énonciation du point de vue de l’instauration et de la saisie du sens, sans la résoudre d’emblée dans une théorie de la communication dont, ainsi, elles se démarquent.

Une cantate à trois voix : le psaume 90 (91) – François Genuyt

François GENUYT (CADIR-Lyon) propose du Psaume 90 (91) une lecture particulièrement attentive aux marques de l’énonciation. Dans ce psaume en effet, le discours se développe autour de trois instances d’énonciation qui partagent le texte en trois séquences. Le lecteur s'invite à une pièce de théâtre en trois actes. En place d'énonciataire, il écoute les voix qui passent de parlant à parlant sans avoir affaire à un dialogue proprement dit. Une première instance, le « Fidèle », première voix à se déclarer, proclame l'absolue sécurité qu'il éprouve à proximité de son interlocuteur divin. Mais dans cette séquence, seule la parole du Fidèle soutient la vérité de son dire. A quelles conditions pourra-t-elle se maintenir ? Une autre instance prend en charge une deuxième séquence. Le discours du « Sage » s'adresse au Fidèle qui vient de déclarer sa confiance en Dieu. Il s'emploie à le conforter en énumérant la liste des périls auxquels il échappera grâce à la protection divine, et en lui faisant constater le salaire des impies dont le châtiment mérité est à la mesure de l’impiété. Une troisième instance fait rupture avec les précédentes, une « Voix » étrangère s'ajoute au dialogue échangé entre les deux premiers parlants, elle ne s'adresse ni à l'un ni à l'autre. La Voix nouvelle met en scène un personnage désigné par « il ».

Elle parle de lui, elle ne lui parle pas. Tout ce qu’elle énonce relève de la promesse. L’article s’attache alors à l’effet (énonciatif) du nouage, du « cantique » de ces trois voix dans le psaume. Le dispositif d’énonciation fait entendre à l'auditeur-énonciataire l'urgence à déplacer le curseur de son identité. Le discours du Sage (2ème voix) le fixait sur son intégrité physique. A la limite, le Fidèle (1ère voix) pouvait jouir de la vie au milieu d'un champ de morts (v. 7). L'intervention de la 3ème voix l'oblige à un déplacement. Elle le fait transiter de cette première identité, où il s'imaginait être « un » sans les autres, à une seconde où, déplacé, il lui est donné de vivre « un parmi d'autres ».

Miroirs du destinataire dans l’Évangile de Luc – Michel Le Guern

Michel LE GUERN (Université Lumière Lyon 2) présente dans cet article un certain nombre de passages propres à l’évangile de Luc, et dont la caractéristique semble être de constituer des « miroirs du destinataire » et d’avoir plus le souci du « sens » que de la « référence ». Sont ainsi abordés les péricopes du bon larron (23, 40-43), de la pécheresse pardonnée (7, 36-50), des disciples d’Emmaüs (24, 13-35) et certaines paraboles, la parabole du gérant avisé (6, 1-8) la parabole de l’enfant prodigue (15, 11-32), la parabole du bon samaritain (10, 29-37) et la parabole du riche et Lazare (16, 19-31). On peut mesurer les transformations que Luc apporte à ces récits par rapport aux autres évangiles, elles concernent en particulier les acteurs qui se voient attribuer des rôles susceptibles d’être dans le récit des « miroirs » du lecteur et contribuent à en faire une annonce du salut plus qu’un témoignage de l’histoire de Jésus. Ainsi par exemple, « il y avait bien une femme qui avait parfumé les pieds de Jésus, mais c’était une femme vertueuse et honorablement connue, la sœur de Lazare le ressuscité. Luc, pour les besoins de sa démonstration, la transforme en pécheresse. C’est l’identification qui est brisée : la femme dont parle Luc n’est pas la Marie dont Jean rapporte le geste. » Ainsi, la question des valeurs de vérité se pose d’une manière différente chez Luc, qui ne pose pas dans son texte une délimitation entre ce qui serait le compte rendu objectif des faits réels et ce qui relève de l’allégorie ou de la parabole. Les narrations, aussi bien que les paraboles, disent quelque chose de vrai pour n’importe quel moment du temps, aussi bien pour le moment de la lecture que pour le moment de l’écriture et pour le moment où se seraient produits les faits rapportés. L’article montre l’efficacité rhétorique de ces transformations et suggère que l’efficacité des transformations apportées par Luc reçoit pour preuve le succès, dans la littérature et dans l’art, des épisodes transformés.

De la lecture à la rencontre. Une proposition de structure du livre de l’Apocalypse – Byung Kyu (Jean-Bosco) Park

Cet article de Byung-Kyu (Jean Bosco) PARK (Prêtre du diocèse de Taegou – Corée du Sud) propose une hypothèse de structure pour l’ensemble du livre de l’Apocalypse. Partant d’une observation du prologue où se trouve impliqué un « sujet-lecteur » (« Heureux celui qui lit, et ceux qui écoutent les paroles de la prophétie et gardent ce qui s'y trouve écrit » - 1, 3) dont on retrouvera la mention à la fin du livre (« Heureux celui qui garde les paroles de la prophétie de ce livre ! » - 22, 7b), l’auteur propose d’organiser l’ensemble du livre autour de la lecture. Le livre de l’Apocalypse propose un acte de lecture en vue d’une rencontre attendue (« Amen ! Viens, Seigneur Jésus ! » - 22, 20b). Utilisant les formes syntaxiques de la grammaire narrative de Greimas, on peut proposer une structure de l’ensemble du livre selon les quatre séquences narratives canoniques (Manipulation – Compétence – Performance – Sanction) ; elle fournit un cadre pour la lisibilité des éléments figuratifs. Le Livre de l’Apocalypse commence par l’invitation à la lecture qui se présente comme un acte d’écoute de la parole. Au fur et à mesure que nous observons le déroulement narratif concernant l’opération de lire, nous observons que lire, cela vise à « être ensemble avec Dieu et avec Jésus-Christ ». Ce déroulement de l’opération de lecture nous conduit désormais à dire que le Livre de l’Apocalypse ne dévoile pas des événements à réaliser dans le futur mais une invitation à la lecture par laquelle l’« être-ensemble » avec Dieu et Jésus-Christ est toujours désiré.

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