Sémiotique et Bible n°125 - Mars 2007

Bulletin d'études et d'échanges publié par le Centre pour l'Analyse du Discours Religieux

Sommaire de la revue n°125

Lecture et interprétation dans l’Antiquité : Quelques paradigmes philosophiques. Notes et réflexions – Pierre Gire

Pierre GIRE (Faculté de philosophie, Université catholique de Lyon) présente dans cet article quelques paradigmes philosophiques de l’Antiquité pour la question de l’interprétation. L’article présente successivement Platon, Aristote, les Stoïciens et les Sceptiques. Dans la philosophie grecque de l'Antiquité, la question de l'interprétation se trouve absorbée à l'intérieur des théories de la connaissance thématisant les rapports du sujet à lui-même, au monde, à autrui, à la divinité et au sein des logiques du discours.

Platon articule la recherche de la vérité au discours dialectique. Les Dialogues platoniciens mettent en scène un « chemin long » (intersubjectivité, épreuve des hypothèses, détours mythologiques…). La forme du dialogue apparaît comme une première herméneutique qui interdit de s'en tenir à l'ordre manipulable de l'énoncé.

Aristote conçoit la dialectique comme une logique de la raison scientifique, instrument de la constitution du savoir dans la pluralité de ses dimensions ; cette conception épistémologique exige une théorie du discours (analyse du langage par le langage) exposée par parties séparées dans plusieurs traités.

Chez les Stoïciens, sur l'horizon de leur épistémologie du discours, on peut observer l'émergence d'un art de la divination exercé sur la vie du monde et celle de l'homme dans le cosmos. Ici se fait jour l'idée d'une possible lecture de l'événement qui signifie simultanément comme symptôme de la vie cosmique traversée par le Logos et appel adressé à l'homme pour un positionnement éthique.

Dans les textes du Scepticisme ancien, nous rencontrons une philosophie du phénomène selon laquelle dans la connaissance, le rapport sujet-objet se fonde sur la sensation. Le phénomène est ce qui se donne au sujet sous le mode de l'image physique perceptible, il est « l'apparaître sensible » saisi par le sujet sans que la chose elle-même puisse être connue.

La philosophie de l’interprétation du philosophe-philologue Nietzsche – Pascal Marin

Pascal MARIN (Faculté de Philosophie - Université Catholique de Lyon) montre dans cet article les particularités du projet d’interprétation de Nietzsche. Nietzsche peut être appelé « philosophe de l’interprétation » dans la mesure où il trace pour la philosophie une tâche d’interprétation dans laquelle doit se constituer le sujet. La tâche n’est pas facile que d’ouvrir à l’investigation philosophique la question de l’interprétation. Or Nietzsche est un pionnier de ce champ nouveau qui, dans la période contemporaine, va renouveler les thèmes et les démarches d’une philosophie occidentale en voie d’inanition. Cette tâche s’inscrit au plus près de la philologie et d’une attention aux mots, à la langue et à ce que la langue transforme des mots pour un sujet. « La philologie, écrit Nietzsche, est cet art vénérable qui exige avant tout de son admirateur une chose : se tenir à l’écart, prendre son temps, devenir silencieux, devenir lent, - comme un art, une connaissance d’orfèvre appliquée au mot". "Celui qui trouve le langage intéressant en soi est un autre homme que celui qui ne reconnaît en lui que le médium de pensées intéressantes (…) Le philologue lit encore les mots, nous modernes ne lisons plus que les pensées. Or, le langage est ce qu'il y a de plus quotidien ; il doit être philosophe celui qui s'en occupe". Seul un philosophe-philologue rencontrera les mots et accompagnera de sa pensée un éveil à leur présence. Pascal Marin montre le parcours d’un philosophe de la « lecture lente » : dans l’exercice quotidien de la collecte de sa propre langue, le sujet s’engendre ainsi au foyer de ce recueil.

La lecture sémiotique sert-elle à quelque chose ? Sémiotique et Théologie – Anne Pénicaud

Prenant la forme d’une lettre adressée à un théologien, ce texte d’Anne PENICAUD (CADIRLYON) affronte une question souvent posée aux sémioticiens qui, pratiquant la lecture des textes bibliques, entrent en dialogue avec exégètes et théologiens : finalement, à quoi sert la sémiotique quand on fait de la théologie ? L’approche sémiotique, si elle n’est pas prise pour une simple méthode ou technique de lecture, introduit dans le champ de l’herméneutique le paradigme des sciences du langage : là où on avait coutume de « lire dans l’histoire », il est question de « lire dans le langage » et de tirer les conséquences épistémologiques et théologiques de ce choix. Anne Pénicaud déploie les attendus et les conséquences de cette lecture sémiotique, tant en ce qui concerne la constitution des concepts théologiques que l’approche globale d’une théologie de la Révélation ancrée dans une problématique de l’énonciation.

Lecteur de la Bible, le théologien est ainsi invité à considérer théologiquement son propre geste de lecture et à prendre acte des transformations auxquelles une sémiotique de l’énonciation l’invite dans la conception de la parole qui se donne à entendre dans la lecture.

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