Axe 3 – Mondialisation, espaces d’échange, espaces conflictuels

« [les] discours sociaux constituent, d’une certaine façon, une matérialisation
de l’espace public comme communauté en débat »

Delforce et Noyer, 1999

Processus d’ouverture par lequel les espaces réels et symboliques se reconfigurent, la mondialisation est « un concept chargé de sens et de valeurs contradictoires », un « échange généralisé entre les différentes parties de la planète, l’espace de transaction de l’humanité » (Dollfus, 1997). À ce titre, elle génère et véhicule aussi un discours sur l’espace et le mouvement.

Cet axe veut s’intéresser aux discours et aux phénomènes socio-économiques liés à la mondialisation afin d’interroger les conséquences (économiques, culturelles, politiques, managériales, linguistiques…) de celle-ci. Dans quelle mesure (et de quelle manière) l’espace, en contexte de mondialisation, peut-il être porteur de sens en dispute (Bonnemaison et alii, 2009) ou au contraire de subjectivités partagées (la peur, la confiance, la fierté, le désespoir…) au point de configurer, par exemple, une « géopolitique de l’émotion » (Moïsi, 2015) ?

L’espace est tantôt un lieu d’échanges (internationalisation des flux financiers et commerciaux, diverses solidarités de proximité, liens communautaires, etc.), tantôt un lieu de conflit (à des échelles diverses, de l’entreprise à la scène internationale, en passant par l’État-Nation…). Les relations entre espaces – depuis le quartier jusqu’à la Terre-Patrie (Morin et Kern, 1993), en passant par l’entreprise ou les divers espaces communautaires – se présentent désormais autrement : les notions de proximité et d’éloignement prennent un sens renouvelé, au regard des processus d’interconnexion et d’interdépendance à grande échelle. À l’ère de la mondialisation, le proche et le lointain (remis en cause par la vitesse et la profusion des échanges, de l’information et de la communication, ainsi que par les nouvelles formes de communautés et de réseaux) contribuent à reconfigurer les sentiments d’appartenance ou de rejet et octroient à l’espace mondialisé des nouvelles dimensions symboliques. Aussi la frontière espace public/espace privé montre-t-elle de plus en plus son caractère perméable, donnant un nouvel éclairage aux questions d’identité, d’altérité et de mémoire.

Cet axe vise notamment à articuler la dimension communautaire et l’espace public dans le contexte des sociétés libérales. L’espace public libéral étant le lieu des individualités, la dimension communautaire, notamment religieuse, peut être interprétée comme une position, une action, un discours et une forme de contre-pouvoir. Cette perspective ouvre la question de la topographie discursive de l’espace public (Delforce, 2010), dans le sens où il est mobilisé pour exprimer un « contre-discours » qui peut être, par exemple, d’ordre religieux. Il s’agit ici de saisir les contours des appartenances (religieuses, militantes, ethniques…) et des frontières en tant que modalités qui induisent des déplacements et des bouleversements du sens et des significations d’un certain nombre de paradigmes. Il s’agit également d’étudier et d’appréhender la manière dont ces appartenances sont intériorisées et amalgamées dans le comportement et le discours des citoyens dans un groupe, une société, une aire culturelle particulière (cf. le cas des citoyens dits musulmans et celui de la société française ou celui des militants anti-extractivisme en Amérique du Sud). Se pose alors la question de la mémoire, la manière dont elle médiatise les transformations spatiales (Certeau, 1975) et cristallise à travers la triade je/tu/il la cohésion du groupe.